Portrait maternel

De l’Esprit Maria Dolores, psychographié par Francisco Cândido Xavier (chapitre 3 du livre Instants dorés, pas encore traduit en français)


Longtemps après,

Dans le sombre tableau du Calvaire,

Judas, aveugle dans l’au-delà, errait solitaire…

Le paysage était triste,

Le ciel était brumeux…

Lassé du remords et de la souffrance,

Il s’était assis pour pleurer…

C’est alors qu’une noble femme des Plans Supérieurs,

Auréolée de célestes splendeurs

Qu’il ne parvenait pas à distinguer,

Arriva et caressa la tête du malheureux.

Puis sur un ton de profonde tendresse,

Presqu’en prière, elle lui dit :

– Mon fils, pourquoi pleures-tu ?

Ne me dites pas que vous ne savez pas – répondit celui-ci

Avec force colère,

Je suis mort et je suis vivant.

Je me suis tué et je suis à nouveau debout,

Sans consolation, sans foyer, sans amour et sans foi…

N’avez-vous pas entendu parler de Judas, le traître ?

C’est moi qui ai anéanti la vie du Maître…

Au début j’ai cru, moi,

Pouvoir faire de lui un roi,

Mais je n’ai fait que lui imposer

 Sacrifice, martyre et le sang de la croix.

Et ma vie se réduit à présent,

À l’affliction, au châtiment…

Eloignez-vous de moi enfin,

Laissez-moi endurer cet enfer sans fin…

Ne me posez pas de question, retirez-vous Madame,

Vous ne savez rien du chagrin qui m’habite,

Et jamais ne pénétrerez cette douleur sans limite…

Ce drame que je déplore n’appartient qu’à moi…

La dame, calme, toutefois répondit :

– Mon fils, je sais que tu souffres, je sais que tu luttes,

Je sais la douleur du remords qui t’assaille,

Je suis venue te dire qu’en tous lieux

Tu trouveras toujours l’amour en Dieu…

Et sereine elle ajouta :

– La bonté du Ciel ne condamne pas ;

Je viens en mère qui cherche en toi un fils aimé.

Souffre avec patience la douleur et l’épreuve ;

Tu auras bientôt une existence neuve…

Ne te sens jamais seul ou méprisé.

Judas l’interrompit et s’écria, surpris et grossier :

– Mère ? Ne venez pas ici avec vos sarcasmes mensongers.

Après m’être pendu à la branche d’un figuier,

Et m’être réveillé dans la douleur,

Ne pouvant plus m’échapper de la vraie vie,

Je suis allé chercher la force de vivre et de me consoler

Aux pieds de la pauvre mère qui m’a engendré !…

Elle m’a vu en pleurs et a écouté mes lamentations,

Mais elle a eu peur de ma dévastation.

Elle m’a expulsé criant vade retro,

M’a traité de monstre et, au final,

A dit que je n’étais

Qu’un Esprit du mal ;

Elle m’a condamné à un terrible déclassement,

En m’ordonnant de retourner sur le champ

Dans la région infernale d’où sans doute je venais…

Ah ! Je déteste le souvenir de l’horrible mère que j’avais…

Ne me parlez pas d’amour, ne me parlez pas de mères,

Je ne suis qu’un monstre dans la misère…

– Malgré tout – dit la dame doucement –

Tu as beau me récuser, pour moi cela ne change rien ;

Je t’aime mon fils, je t’aime et je veux bien

Voir ta vie à nouveau revêtue

De paix et de lumière, de foi et d’aspirations élevées…

Tu viendras avec moi sur la Terre,

Tu perdras peu à peu ton courroux fougueux,

Ton cœur baignera

Dans les eaux de l’oubli bienheureux.

Dans une nouvelle existence d’espérance,

Avec moi je t’amènerai

A un abri de paix,

Je te donnerai une nouvelle mère ! Pense et repose-toi !…

Et Judas, à ce moment précis,

Comme s’il avait oublié sa douleur infinie

Ou comme quelqu’un qui sort

D’un cauchemar atroce,

Demanda : – Qui êtes-vous ?

Pourquoi me parlez-vous ainsi, sachant que j’ai trahi ?

Vous êtes une femme divine, que l’amour irradie

Ou un ange céleste dont je pressens la lumière ?!…

Et elle, le dévisageant de front,

Répondit sans façon :

– Mon fils, je suis Marie, je suis la mère de Jésus.