Saint Paul précurseur du Spiritisme

Article paru dans la Revue Spirite de décembre 1863.


La communication suivante a été obtenue dans la séance de la Société de Paris du 9 octobre 1863 :

« Que de jours se sont écoulés depuis que je n’ai eu le bonheur de m’entretenir avec vous, mes bien chers enfants ! aussi, est-ce avec une bien douce satisfaction que je me retrouve au milieu de ma chère Société de Paris.

De quoi vous entretiendrai-je aujourd’hui ? La plupart des questions morales ont été traitées par des plumes habiles ; néanmoins, elles sont tellement de mon domaine et leur champ est si vaste, que je trouverai bien encore quelques grains de vérité à glaner. Au surplus, quand bien même je ne ferais que redire ce que d’autres vous ont déjà dit, il en ressortira peut-être quelques nouveaux enseignements, car les bonnes paroles, comme les bonnes semences, portent toujours leurs fruits.

Les livres saints sont pour nous des greniers inépuisables, et le grand apôtre Paul, qui jadis a tant contribué à l’établissement du Christianisme par sa puissante prédication, vous a laissé des monuments écrits qui serviront non moins énergiquement à l’épanouissement du Spiritisme. Je n’ignore pas que vos adversaires religieux invoquent son témoignage contre vous ; mais cela n’empêche pas que l’illustre illuminé de Damas ne soit pour vous et avec vous, soyez-en bien convaincus. Le souffle qui court dans ses épîtres, l’inspiration sainte qui anime ses enseignements, loin d’être hostile à votre doctrine, est au contraire remplie de singulières prévisions en vue de ce qui arrive aujourd’hui. C’est ainsi que, dans sa première aux Corinthiens, il enseigne que, sans la Charité, il n’existe aucun homme, fût-il saint, fût-il prophète, transportât-il des montagnes, qui puisse se flatter d’être un véritable disciple de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Comme les Spirites, et avant les Spirites, ce fut lui qui proclama le premier cette maxime qui fait votre gloire : Hors la charité point de salut ! Mais ce n’est pas par cet unique côté qu’il se rattache à la doctrine que nous vous enseignons et que vous propagez aujourd’hui. Avec cette haute intelligence qui lui était propre, il avait prévu ce que Dieu réservait à l’avenir, et notamment, cette transformation, cette régénération de la foi chrétienne, que vous êtes appelés à asseoir profondément dans l’esprit moderne, puisqu’il décrit dans l’épître déjà citée, et d’une manière indiscutable, les principales facultés médianimiques qu’il appelle les dons bénis du Saint-Esprit.

Ah ! mes enfants, ce saint docteur contemple, avec une amertume qu’il ne peut dissimuler, le degré d’avilissement où sont tombés la plupart de ceux qui parlent en son nom, et qui proclament, urbi et orbi, que Dieu a jadis donné à la terre toute la somme de vérités que celle-ci était capable de recevoir. Et pourtant, l’apôtre s’était écrié qu’en son temps il n’avait qu’une science et que des prophéties imparfaites. Or, celui qui se plaignait de cette situation savait par cela même que cette science et ces prophéties se perfectionneraient un jour. N’est-ce pas là la condamnation absolue de tous ceux qui condamnent le progrès ? N’est-ce pas là le plus rude échec pour ceux qui prétendent que le Christ et les apôtres, les Pères de l’Eglise et surtout les révérends casuistes de la Compagnie de Jésus, ont donné à la terre toute la science religieuse et philosophique à laquelle celle-ci avait droit ? Heureusement l’apôtre lui-même a pris soin de les démentir d’avance.

Mes chers enfants, pour apprécier à leur valeur les hommes qui vous combattent, vous n’avez qu’à étudier les arguments de leur polémique, leurs paroles acerbes et les regrets qu’ils témoignent, comme le R. P. Pailloux, que les bûchers soient éteints, et que la Sainte Inquisition ne fonctionne plus ad majorem Dei gloriam. Mes frères, vous avez la charité, ils ont l’intolérance : ils sont donc bien à plaindre ; c’est pourquoi je vous convie à prier pour ces pauvres égarés, afin que l’Esprit-Saint, qu’ils invoquent si souvent, daigne enfin éclairer leur conscience et leur cœur. »

François-Nicolas Madeleine.

A cette remarquable communication, nous ajouterons les paroles suivantes de saint Paul, tirées de la première épître aux Corinthiens :

Mais quelqu’un me dira : En quelle manière les morts ressusciteront-ils, et quel sera le corps dans lequel ils reviendront ? – Insensés que vous êtes ! ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne reprend point de vie, s’il ne meurt auparavant ? Et quand vous semez, vous ne semez pas le corps de la plante qui doit naître, mais la graine seulement, comme du blé ou de quelque autre chose. Après quoi Dieu lui donne un corps tel qu’il lui plaît, et il donne à chaque semence le corps qui est propre à chaque plante. Toute chair n’est pas la même chair ; mais autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons.

Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres ; mais les corps célestes ont un autre éclat que les corps terrestres. Le soleil a son éclat, qui diffère de l’éclat de la lune, comme l’éclat de la lune diffère de l’éclat des étoiles, et, entre les étoiles, l’une est plus éclatante que l’autre.

Il en arrivera de même dans la résurrection des morts. Le corps, comme une semence, est maintenant mis en terre plein de corruption, et il ressuscitera incorruptible. Il est mis en terre tout difforme, et il ressuscitera tout glorieux. Il est mis en terre privé de mouvement, et il ressuscitera plein de vigueur. Il est mis en terre comme un corps animal et il ressuscitera comme un corps spirituel. Comme il y a un corps animal, il y a un corps spirituel.

Je veux dire, mes frères, que la chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu, et que la corruption ne possédera point cet héritage incorruptible. » (Saint Paul, 1er ép. aux Corinth., ch. xv, v. de 35 à 44 et 50.)

Que peut être ce corps spirituel, qui n’est pas le corps animal, sinon le corps fluidique dont le Spiritisme démontre l’existence, le périsprit dont l’âme est revêtue après la mort ? A la mort du corps, l’Esprit entre dans le trouble ; il perd pour un instant la conscience de lui-même ; puis il recouvre l’usage de ses facultés, il renaît à la vie intelligente, en un mot il ressuscite avec son corps spirituel.

Le dernier paragraphe, relatif au jugement dernier, contredit positivement la doctrine de la résurrection de la chair, puisqu’il dit : « La chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu. » Les morts ne ressusciteront donc pas avec leur chair et leur sang, et n’auront pas besoin de rassembler leurs os dispersés, mais ils auront leur corps céleste, qui n’est pas le corps animal. Si l’auteur du Catéchisme philosophique avait bien médité le sens de ces paroles, il aurait pu se dispenser de faire le savant calcul mathématique auquel il s’est livré, pour prouver que tous les hommes morts depuis Adam, ressuscitant en chair et en os, avec leur propre corps, pourraient parfaitement tenir dans la vallée de Josaphat, sans être trop gênés[1].

Saint Paul a donc posé en principe et en théorie ce qu’enseigne aujourd’hui le Spiritisme sur l’état de l’homme après la mort.

Mais saint Paul n’est pas le seul qui ait pressenti les vérités enseignées par le Spiritisme ; la Bible, les Évangiles, les apôtres et les Pères de l’Église en sont remplis, de sorte que condamner le Spiritisme, c’est désavouer les autorités mêmes sur lesquelles s’appuie la religion. Attribuer tous ses enseignements au démon, c’est lancer le même anathème sur la plupart des auteurs sacrés. Le Spiritisme ne vient donc point détruire, mais au contraire rétablir toutes choses, c’est-à-dire restituer à chaque chose son véritable sens.


[1] Catéchisme philosophique, par l’abbé de Feller, t. III, p. 83.

La foi, l’Espérance et la Charité

Extrait de la Revue Spirite de février 1862.

Bordeaux. Médium, madame Cazemajoux.


La Foi

Je suis la sueur aînée de l’Espérance et de la Charité, je me nomme la Foi.

Je suis grande et forte ; celui qui me possède ne craint ni le fer ni le feu : il est à l’épreuve de toutes les souffrances physiques et morales. Je rayonne sur vous avec un flambeau dont les jets étincelants se reflètent au fond de vos cœurs, et je vous communique la force et la vie. On dit, parmi vous, que je soulève les montagnes, et moi je vous dis : Je viens soulever le monde, car le Spiritisme est le levier qui doit m’aider. Ralliez-vous donc à moi, je viens vous y convier : je suis la Foi.

Je suis la Foi ! j’habite, avec l’Espérance, la Charité et l’Amour, le monde des purs Esprits ; j’ai souvent quitté les régions éthérées, et suis venue sur la terre pour vous régénérer, en vous donnant la vie de l’esprit ; mais, à part les martyrs des premiers temps du christianisme et quelques fervents sacrifices de loin en loin au progrès de la science, des lettres, de l’industrie et de la liberté, je n’ai trouvé parmi les hommes qu’indifférence et froideur, et j’ai repris tristement mon vol vers les cieux ; vous me croyiez au milieu de vous, mais vous vous trompiez, car la Foi sans les œuvres est un semblant de Foi ; la véritable Foi, c’est la vie et l’action.

Avant la révélation du Spiritisme, la vie était stérile ; c’était un arbre desséché par les éclats de la foudre qui ne produisait aucun fruit. On me reconnaît à mes actes : j’illumine les intelligences, je réchauffe et je fortifie les cœurs ; je chasse loin de vous les influences trompeuses et vous conduis à Dieu par la perfection de l’esprit et du cœur. Venez vous ranger sous mon drapeau, je suis puissante et forte : je suis la Foi.

Je suis la Foi, et mon règne commence parmi les hommes ; règne pacifique qui va les rendre heureux pour le temps présent et pour l’éternité. L’aurore de mon avènement parmi vous est pure et sereine ; son soleil sera resplendissant, et son couchant viendra doucement bercer l’humanité dans les bras des félicités éternelles. Spiritisme ! verse sur les hommes ton baptême régénérateur ; je leur fais un appel suprême : je suis la Foi.

Georges,

Évêque de Périgueux.


L’Espérance

Je me nomme l’Espérance ; je vous souris à votre entrée dans la vie ; je vous y suis pas à pas, et ne vous quitte que dans les mondes où se réalisent pour vous les promesses de bonheur que vous entendez sans cesse murmurer à vos oreilles. Je suis votre fidèle amie ; ne repoussez pas mes inspirations : je suis l’Espérance.

C’est moi qui chante par la voie du rossignol et qui jette aux échos des forêts ces notes plaintives et cadencées qui vous font rêver des cieux ; c’est moi qui inspire à l’hirondelle le désir de réchauffer ses amours à l’abri de vos demeures ; je joue dans la brise légère qui caresse vos cheveux ; je répands à vos pieds les parfums suaves des fleurs de vos parterres, et c’est à peine si vous donnez une pensée à cette amie qui vous est si dévouée ! Ne la repoussez pas : c’est l’Espérance.

Je prends toutes les formes pour me rapprocher de vous : je suis l’étoile qui brille dans l’azur, le chaud rayon de soleil qui vous vivifie ; je berce vos nuits de songes riants ; je chasse loin de vous le noir souci et les sombres pensées ; je guide vos pas vers le sentier de la vertu ; je vous accompagne dans vos visites aux pauvres, aux affligés, aux mourants, et vous inspire les paroles affectueuses qui consolent ; ne me repoussez pas : je suis l’Espérance.

Je suis l’Espérance ! c’est moi qui, dans l’hiver, fais croître sur l’écorce des chênes la mousse épaisse dont les petits oiseaux construisent leur nid ; c’est moi qui, au printemps, couronne le pommier et l’amandier de leurs fleurs blanches et roses, et les répands sur la terre comme une jonchée céleste qui fait aspirer aux mondes heureux ; je suis surtout avec vous quand vous êtes pauvres et souffrants ; ma voix résonne sans cesse à vos oreilles ; ne me repoussez pas : je suis l’Espérance.

Ne me repoussez pas, car l’ange du désespoir me fait une guerre acharnée et s’épuise en vains efforts pour me remplacer près de vous ; je ne suis pas toujours la plus forte, et, quand il parvient à m’éloigner, il vous enveloppe de ses ailes funèbres, détourne vos pensées de Dieu et vous conduit au suicide ; unissez-vous à moi pour éloigner sa funeste influence et laissez-vous bercer doucement dans mes bras, car je suis l’Espérance.

Felicia,

Fille du médium.


La Charité

Je suis la Charité ; oui, la vraie Charité ; je ne ressemble en rien à la charité dont vous suivez les pratiques. Celle qui a usurpé mon nom parmi vous est fantasque, capricieuse, exclusive, orgueilleuse, et je viens vous prémunir contre les défauts qui ternissent, aux yeux de Dieu, le mérite et l’éclat de ses bonnes actions. Soyez dociles aux leçons que l’Esprit de vérité vous fait donner par ma voix ; suivez-moi, mes fidèles je suis la Charité.

Suivez-moi ; je connais toutes les infortunes, toutes les douleurs, toutes les souffrances, toutes les afflictions qui assiègent l’humanité. Je suis la mère des orphelins ; la fille des vieillards, la protectrice et le soutien des veuves ; je panse les plaies infectes ; je soigne toutes les maladies ; je donne des vêtements du pain et un abri à ceux qui n’en ont pas ; je monte dans les plus misérables greniers, dans l’humble mansarde ; je frappe à la porte des riches et des puissants, car, partout où vit une créature humaine, il y a sous le masque du bonheur d’amères et cuisantes douleurs. Oh ! que ma tâche est grande ! je ne puis suffire à la remplir si vous ne venez pas à mon aide ; venez à moi : je suis la Charité.

Je n’ai de préférence pour personne ; je ne dis jamais à ceux qui ont besoin de moi : « J’ai mes pauvres, adressez-vous ailleurs. » Oh ! fausse charité, que tu fais de mal ! Amis, nous nous devons à tous ; croyez-moi, ne refusez votre assistance à personne ; secourez-vous les uns les autres avec assez de désintéressement pour n’exiger aucune reconnaissance de la part de ceux que vous aurez secourus. La paix du cœur et de la conscience est la douce récompense de mes œuvres : je suis la vraie Charité.

Nul ne connaît sur la terre le nombre et la nature de mes bienfaits ; la fausse charité seule blesse et humilie celui qu’elle soulage. Gardez-vous de ce funeste écart ; les actions de ce genre n’ont aucun mérite auprès de Dieu et attirent sur vous sa colère. Lui seul doit savoir et connaître les élans généreux de vos cœurs, quand vous vous faites les dispensateurs de ses bienfaits. Gardez-vous donc, amis, de donner de la publicité à la pratique de l’assistance mutuelle ; ne lui donnez plus le nom d’aumône ; croyez en moi : Je suis la Charité.

J’ai tant d’infortunes à soulager que j’ai souvent les mamelles et les mains vides ; je viens vous dire que j’espère en vous. Le Spiritisme a pour devise : Amour et Charité, et tous les vrais Spirites voudront, à l’avenir, se conformer à ce sublime précepte prêché par le Christ, il y a dix-huit siècles. Suivez-moi donc, frères, je vous conduirai dans le royaume de Dieu, notre père. Je suis la Charité.

Adolphe,

Évêque d’Alger.

Instruction donnée par nos guides au sujet des trois communications ci-dessus

Mes chers amis, vous avez dû croire que c’était l’un de nous qui vous avait donné ces enseignements sur la foi, l’espérance et la charité, et vous avez eu raison.

Heureux de voir des Esprits très supérieurs vous donner si souvent les conseils qui doivent vous guider dans vos travaux spirituels, nous n’en éprouvons pas moins une joie douce et pure quand nous venons vous aider â la tâche de votre apostolat spirite.

Vous pouvez donc attribuer à l’Esprit de M. Georges la communication de la Foi ; celle de l’Espérance, à Félicia : vous y retrouvez le style poétique qu’elle avait pendant sa vie ; et celle de la Charité à M. Dupuch, évêque d’Alger, qui a été, sur la terre, un de ses fervents apôtres.

Nous avons encore à vous faire traiter la charité à un autre point de vue ; nous le ferons dans quelques jours.

Vos Guides.

Le hérisson, le lapin et la pie

Fable

Aux membres de la Société Spirite de Bordeaux.

La charité, mes amis, se fait de bien des manières : vous pouvez faire la charité en pensées et en actions… (L’Esprit protecteur de la Société Spirite de Lyon. Revue Spirite du 10 octobre 1861.)

Un pauvre hérisson, chassé de son abri,

Roulait à travers champs et ronces meurtrières,

Sous les coups de sabot d’un enfant des chaumières,

Qui l’abandonne enfin ensanglanté, meurtri.

Il replie en tremblant son épineuse armure,

S’allonge, autour de lui jette un regard furtif,

Et, le danger passé, murmure

D’un accent débile et plaintif :

– Où me cacher ?… où fuir ?… regagner ma demeure

Est au-dessus de mon pouvoir ;

Mille dangers que je ne puis prévoir

Me menacent ici… Faut-il donc que je meure ?

J’ai besoin d’un refuge et d’un peu de repos

Pour laisser guérir mes blessures ;

Mais… où sont les retraites sûres ?

Qui prendra pitié de mes maux ?

Un lapin, habitant sous des débris de roche,

Lapin pour qui la charité

N’était pas un vain mot, est attendri, s’approche

Et lui dit : – Mon ami, je suis bien abrité ;

Acceptez la moitié de mon modeste asile,

Asile sûr pour vous ; il serait difficile

De venir y chercher la trace de vos pas.

Puis, vous pouvez être tranquille :

Les soins auprès de moi ne vous manqueront pas.

Sur cette offre si gracieuse,

Le hérisson cheminait lentement,

Quand une pie officieuse,

Faisant signe au lapin : – Arrêtez un moment,

Je vous prie… un mot… peu de chose…

Et puis au hérisson : – C’est un petit secret !…

Pardon au moins du retard que je cause !

Et le bon lapin, tout discret

L’engage à parler bas et dresse les oreilles.

– Comment ! vous emmenez chez vous de telles gens !…

Vous allez un peu loin dans vos soins obligeants !

Je ne ferai jamais de sottises pareilles,

Moi… Vous ne craignez pas de vous en repentir ?

Une fois sa santé, ses forces recouvrées,

Vous serez le premier peut-être à ressentir

Avec son mauvais cœur ses pointes acérées ;

Et quel moyen alors de le faire sortir ?…

Le lapin lui répond : – Aucune inquiétude

Ne doit nous détourner d’un élan généreux ;

Il vaut mieux s’exposer à de l’ingratitude

Que de manquer aux malheureux !

C. Dombre.

Problèmes moraux adressés à Saint Louis

Extrait de la Revue Spirite de Mai 1858


1. De deux hommes riches, l’un est né dans l’opulence et n’a jamais connu le besoin, l’autre
doit sa fortune à son travail ; tous les deux l’emploient exclusivement à leur satisfaction
personnelle ; quel est le plus coupable ? – R. Celui qui a connu les souffrances : il sait ce
que c’est que souffrir.

2. Celui qui accumule sans cesse et sans faire de bien à personne trouve-t-il une excuse valable dans la pensée qu’il amasse pour laisser davantage à ses enfants ? – R. C’est un compromis avec la mauvaise conscience.
3. De deux avares, le premier se refuse le nécessaire et meurt de besoin sur son trésor ; le
second n’est avare que pour les autres : il est prodigue pour lui-même ; tandis qu’il se refuse
au plus léger sacrifice pour rendre service ou faire une chose utile, rien ne lui coûte pour
satisfaire ses jouissances personnelles. Lui demande-t-on un service, il est toujours gêné ;
veut-il se passer une fantaisie, il en trouve toujours assez. Quel est le plus coupable, et quel
est celui qui aura la plus mauvaise place dans le monde des Esprits ? – R. Celui qui jouit ;
l’autre a trouvé déjà sa punition.

4. Celui qui, de son vivant, n’a pas fait un emploi utile de sa fortune trouve-t-il un soulagement en faisant du bien après sa mort, par la destination qu’il lui donne ? – R. Non ; le bien vaut ce qu’il coûte.

Le devoir

Extrait de la Revue Spirite de décembre 1863


Société spirite de Paris, 20 novembre 1863. – Médium, M. Costel

Le devoir est l’obligation morale, vis-à-vis de soi d’abord, et des autres ensuite ; le devoir est la loi de la vie, il se trouve dans les plus infimes détails, aussi bien que dans les actes élevés. Je ne vais parler ici que du devoir moral, et non de celui qu’imposent les professions.

Dans l’ordre des sentiments, le devoir est très difficile à remplir, parce qu’il se trouve en antagonisme avec les séductions de l’instinct et du cœur ; ses victoires n’ont pas de témoins, et ses défaites n’ont pas de répression. Le devoir intime de l’homme est abandonné à son libre arbitre ; l’aiguillon de la conscience, cette gardienne de la probité intérieure, l’avertit et le soutient ; mais elle demeure souvent impuissante devant les sophismes de la passion. Le devoir du cœur, fidèlement observé, élève l’homme ; mais ce devoir, comment le préciser ? Où commence-t-il ? où s’arrête-t-il ? Il commence expressément au point où vous menacez le bonheur ou le repos de votre prochain ; il se termine à la limite que vous ne voudriez pas voir franchir pour vous-même.

Dieu a créé tous les hommes égaux pour la douleur ; petits ou grands, ignorants ou éclairés, souffrent par les mêmes causes, afin que chacun juge sainement le mal qu’il peut faire. Le même critérium n’existe pas pour le bien, infiniment plus varié dans ses expressions. L’égalité devant la douleur est une sublime prévoyance de Dieu, qui veut que ses enfants, instruits par l’expérience commune, ne commettent pas le mal en arguant de l’ignorance de ses effets.

Le devoir est le résumé pratique de toutes les spéculations morales ; c’est une bravoure de l’âme qui affronte les angoisses de la lutte ; il est austère et simple ; prompt à se plier aux complications diverses, il demeure inflexible devant leurs tentations. L’homme qui remplit son devoir aime Dieu plus que les créatures, et les créatures plus que lui-même ; il est à la fois juge et esclave dans sa propre cause. Le devoir est le plus beau fleuron de la raison ; il relève d’elle, comme le fils relève de sa mère. L’homme doit aimer le devoir, non parce qu’il préserve des maux de la vie auxquels l’humanité ne peut être soustraite, mais parce qu’il donne à l’âme la vigueur nécessaire à son développement. L’homme ne peut détourner le calice de ses épreuves ; le devoir est pénible dans ses sacrifices ; le mal est amer dans ses résultats ; mais ces douleurs, presque égales, ont des conclusions très différentes : l’une est salutaire comme les poisons qui rendent la santé, l’autre est nuisible comme les festins qui ruinent le corps.

Le devoir grandit et rayonne sous une forme plus élevée dans chacune des étapes supérieures de l’humanité. L’obligation morale ne cesse jamais de la créature à Dieu ; elle doit refléter les vertus de l’Éternel, qui n’accepte pas une ébauche imparfaite, parce qu’il veut que la beauté de son œuvre resplendisse devant lui.

Lazare

La responsabilité morale

Extrait de la Revue Spirite d’août 1867. Médium : M. Nivard


J’assiste à toutes tes causeries mentales, mais sans les diriger : tes pensées sont émises en ma présence, mais je ne les provoque pas. C’est le pressentiment des cas qui ont quelque chance de se présenter, qui fait naître en toi les pensées propres à résoudre les difficultés qu’ils pourraient te susciter. C’est là le libre arbitre ; c’est l’exercice de l’Esprit incarné, s’essayant à résoudre des problèmes qu’il se pose lui-même.

En effet, si les hommes n’avaient que les idées que les Esprits leur inspirent, ils auraient peu de responsabilité et peu de mérite ; ils n’auraient que la responsabilité d’avoir écouté de mauvais conseils, ou le mérite d’avoir suivi les bons. Or, cette responsabilité et ce mérite seraient évidemment moins grands que s’ils étaient le résultat de l’entier libre arbitre, c’est-à-dire d’actes accomplis dans la plénitude de l’exercice des facultés de l’Esprit, qui, dans ce cas, agit sans aucune sollicitation.

Il résulte de ce que je dis que très souvent les hommes ont des pensées qui leur sont essentiellement propres, et que les calculs auxquels ils se livrent, les raisonnements qu’ils tiennent, les conclusions auxquelles ils aboutissent, sont le résultat de l’exercice intellectuel au même titre que le travail manuel est le résultat de l’exercice corporel. Il ne faudrait pas conclure de là, que l’homme n’est pas assisté dans ses pensées et dans ses actes par les Esprits qui l’entourent, bien au contraire ; les Esprits, soit bienveillants, soit malveillants, sont souvent la cause provocatrice de vos actes et de vos pensées ; mais vous ignorez complètement dans quelles circonstances cette influence se produit, en sorte qu’en agissant, vous croyez le faire en vertu de votre propre mouvement : votre libre arbitre reste intact ; il n’y a de différence entre les actes que vous accomplissez sans y être poussés, et ceux que vous accomplissez sous l’influence des Esprits, que dans le degré du mérite ou de la responsabilité.

Dans l’un et l’autre cas, la responsabilité et le mérite existent, mais, je le répète, ils n’existent pas au même degré. Ce principe que j’énonce n’a pas, je crois, besoin de démonstration ; il me suffira, pour le prouver, de prendre une comparaison dans ce qui existe parmi vous.

Si un homme a commis un crime, et qu’il l’ait commis, séduit par les conseils dangereux d’un homme qui exerce sur lui beaucoup d’influence, la justice humaine saura le reconnaître en lui accordant bénéfice des circonstances atténuantes ; elle ira plus loin : elle punira l’homme dont les conseils pernicieux ont provoqué le crime, et sans y avoir autrement contribué, cet homme sera plus sévèrement puni que celui qui n’a été que l’instrument, parce que c’est sa pensée qui a conçu le crime, et son influence sur un être plus faible qui l’a fait exécuter. Eh bien ! ce que font les hommes dans ce cas, en diminuant la responsabilité du criminel et en la partageant l’infâme avec qui l’a poussé à commettre le crime, comment voudriez-vous que Dieu, qui est la justice même, n’en fît pas autant, puisque votre raison vous dit qu’il est juste d’agir ainsi ?

Pour ce qui concerne le mérite des bonnes actions, que j’ai dit être moins grand si l’homme a été sollicité à les faire, c’est la contrepartie de ce que je viens de dire au sujet de la responsabilité, et peut se démontrer en renversant la proposition.

Ainsi donc, quand il t’arrive de réfléchir et de promener tes idées d’un sujet à un autre ; quand tu discutes mentalement sur les faits que tu prévois ou qui sont déjà accomplis ; quand tu analyses, quand tu raisonnes et quand tu juges, ne crois pas que ce soient des Esprits qui te dictent tes pensées ou qui te dirigent ; ils sont là, près de toi, ils t’écoutent ; ils voient avec plaisir cet exercice intellectuel auquel tu te livres ; leur plaisir est doublé, quand ils voient que tes conclusions sont conformes à la vérité.

Il leur arrive quelquefois, évidemment, de se mêler à cet exercice, soit pour le faciliter, soit pour donner à l’Esprit quelques aliments, ou lui créer quelques difficultés, afin de rendre cette gymnastique intellectuelle plus profitable à celui qui la pratique ; mais, en général, l’homme qui cherche, quand il est livré à ses réflexions, agit presque toujours seul, sous l’œil vigilant de son Esprit protecteur, qui intervient si le cas est assez grave pour rendre son intervention nécessaire.

Ton père qui veille sur toi, et qui est heureux de te voir à peu près rétabli. (Le médium sortait d’une grave maladie.)

Louis Nivard

Théorie des Manifestations physiques (2/2)

Article 2/2 – Revue Spirite de Juin 1858


Nous prions nos lecteurs de vouloir bien se rapporter au premier article que nous avons publié sur ce sujet ; celui-ci, en étant la continuation, serait peu intelligible si l’on n’en avait pas le commencement présent à la pensée.

Les explications que nous avons données des manifestations physiques sont, comme nous l’avons dit, fondées sur l’observation et une déduction logique des faits : nous avons conclu d’après ce que nous vu. Maintenant comment s’opèrent, dans la matière éthérée, les modifications qui vont la rendre perceptible et tangible ? Nous allons d’abord laisser parler les Esprits que nous avons interrogés à ce sujet, nous y ajouterons nos propres remarques. Les réponses suivantes nous ont été données par l’Esprit de saint Louis ; elles concordent avec ce que d’autres nous avaient dit précédemment.

1. Comment un Esprit peut-il apparaître avec la solidité d’un corps vivant ? – Il combine une partie du fluide universel avec le fluide que dégage le médium propre à cet effet. Ce fluide revêt à sa volonté la forme qu’il désire, mais généralement cette forme est impalpable.

2. Quelle est la nature de ce fluide ? – R. Fluide, c’est tout dire.

3. Ce fluide est-il matériel ? – R. Semi-matériel.

4. Est-ce ce fluide qui compose le périsprit ? – R. Oui, c’est la liaison de l’Esprit à la matière.

5. Ce fluide est-il celui qui donne la vie, le principe vital ? – R. Toujours lui ; j’ai dit liaison.

6. Ce fluide est-il une émanation de la Divinité ? – R. Non.

7. Est-ce une création de la Divinité ? – R. Oui ; tout est créé, excepté Dieu lui-même.

8. Le fluide universel a-t-il quelque rapport avec le fluide électrique dont nous connaissons les effets ? – R. Oui, c’est son élément.

9. La substance éthérée qui se trouve entre les planètes est-elle le fluide universel dont il est question ? – R. Il entoure les mondes : sans le principe vital, nul ne vivrait. Si un homme s’élevait au-delà, de l’enveloppe fluidique qui environne les globes, il périrait, car le principe vital se retirerait de lui pour rejoindre la masse. Ce fluide vous anime, c’est lui que vous respirez.

10. Ce fluide est-il le même dans tous les globes ? – R. C’est le même principe, mais plus ou moins éthéré, selon la nature des globes ; le vôtre est un des plus matériels.

11. Puisque c’est ce fluide qui compose le périsprit, il paraît y être dans une sorte d’état de condensation qui le rapproche jusqu’à un certain point de la matière ? – R. Oui, jusqu’à un certain point, car il n’en a pas les propriétés ; il est plus ou moins condensé, selon les mondes.

12. Sont-ce les Esprits solidifiés qui enlèvent une table ? – R. Cette question n’amènera pas encore ce que vous désirez. Lorsqu’une table se meut sous vos mains, l’Esprit que votre Esprit évoque va puiser dans le fluide universel de quoi animer cette table d’une vie factice. Les Esprits qui produisent ces sortes d’effets sont toujours des Esprits inférieurs qui ne sont pas encore entièrement dégagés de leur fluide ou périsprit. La table étant ainsi préparée à leur gré (au gré des Esprits frappeurs), l’Esprit l’attire et la meut sous l’influence de son propre fluide dégagé par sa volonté. Lorsque la masse qu’il veut soulever ou mouvoir est trop pesante pour lui, il appelle à son aide des Esprits qui se trouvent dans les mêmes conditions que lui. Je crois m’être expliqué assez clairement pour me faire comprendre.

13. Les Esprits qu’il appelle à son aide lui sont-ils inférieurs ? – R. Egaux, presque toujours ; souvent ils viennent d’eux-mêmes.

14. Nous comprenons que les Esprits supérieurs ne s’occupent pas de choses qui sont au-dessous d’eux ; mais nous demandons si, en raison de ce qu’ils sont dématérialisés, ils auraient la puissance de le faire s’ils en avaient la volonté ? – R. Ils ont la force morale comme les autres ont la force physique ; quand ils ont besoin de cette force, ils se servent de ceux qui la possèdent. Ne vous a-t-on pas dit qu’ils se servent des Esprits inférieurs comme vous le faites de portefaix ?

15. D’où vient la puissance spéciale de M. Home ? – R. De son organisation.

16. Qu’a-t-elle de particulier ? – R. Cette question n’est pas précise.

17. Nous demandons s’il s’agit de son organisation physique ou morale ? – R. J’ai dit organisation.

18. Parmi les personnes présentes, en est-il qui puissent avoir la même faculté que M. Home ? – R. Elles l’ont à quelque degré. N’est-il pas un de vous qui ait fait mouvoir une table ?

19. Lorsqu’une personne fait mouvoir un objet, est-ce toujours par le concours d’un Esprit étranger, ou bien l’action peut-elle provenir du médium seul ? – R Quelque fois l’Esprit du médium peut agir seul, mais le plus souvent c’est avec l’aide des Esprits évoqués ; cela est facile à reconnaître.

20. Comment se fait-il que les Esprits apparaissent avec les vêtements qu’ils avaient sur la terre ? – R. Ils n’en ont souvent que l’apparence. D’ailleurs, que de phénomènes n’avez-vous pas parmi vous sans solution ! Comment se fait-il que le vent, qui est impalpable, renverse et brise l’arbre composé de matière solide ?

21. Qu’entendez-vous en disant que ces vêtements ne sont qu’une apparence ? – R. Au toucher on ne sent rien.

22. Si nous avons bien compris ce que vous nous avez dit, le principe vital réside dans le fluide universel ; l’Esprit puise dans ce fluide l’enveloppe semi-matérielle qui constitue son périsprit, et c’est par le moyen de ce fluide qu’il agit sur la matière inerte. Est-ce bien cela ? – R. Oui ; c’est-à-dire qu’il anime la matière d’une espèce de vie factice ; la matière s’anime de la vie animale. La table qui se meut sous vos mains vit et souffre comme l’animal ; elle obéit d’elle-même à l’être intelligent. Ce n’est pas lui qui la dirige comme l’homme fait d’un fardeau ; lorsque la table s’enlève, ce n’est pas l’Esprit qui la soulève, c’est la table animée qui obéit à l’Esprit intelligent.

23. Puisque le fluide universel est la source de la vie, est-il en même temps la source de l’intelligence ? – R. Non ; le fluide n’anime que la matière.

Cette théorie des manifestations physiques offre plusieurs points de contact avec celle que nous avons donnée, mais elle en diffère aussi sous certains rapports. De l’une et de l’autre il ressort ce point capital que le fluide universel, dans lequel réside le principe de la vie, est l’agent principal de ces manifestations, et que cet agent reçoit son impulsion de l’Esprit, que celui-ci soit incarné ou errant. Ce fluide condensé constitue le périsprit ou enveloppe semi-matérielle de l’esprit. Dans l’état d’incarnation, ce périsprit est uni à la matière du corps ; dans l’état d’erraticité, il est libre. Or, deux questions se présentent ici : celle de l’apparition des Esprits, et celle du mouvement imprimé aux corps solides.

A l’égard de la première, nous dirons que, dans l’état normal, la matière éthérée du périsprit échappe à la perception de nos organes ; l’âme seule peut la voir, soit en rêve, soit en somnambulisme, soit même dans le demi-sommeil, en un mot toutes les fois qu’il y a suspension totale ou partielle de l’activité des sens. Quand l’Esprit est incarné, la substance du périsprit est plus ou moins intimement liée à la matière du corps, plus ou moins adhérente, si l’on peut s’exprimer ainsi. Chez certaines personnes, il y a en quelque sorte émanation de ce fluide par suite de leur organisation, et c’est là, à proprement parler, ce qui constitue les médiums à influences physiques. Ce fluide émané du corps se combine, selon des lois qui nous sont inconnues, avec celui qui forme l’enveloppe semi-matérielle d’un Esprit étranger. Il en résulte une modification, une sorte de réaction moléculaire qui en change momentanément les propriétés, au point de le rendre visible, et dans quelques cas tangible. Cet effet peut se produire avec ou sans le concours de la volonté du médium ; c’est ce qui distingue les médiums naturels des médiums facultatifs. L’émission du fluide peut être plus ou moins abondante : de là les médiums plus ou moins puissants ; elle n’est point permanente, ce qui explique l’intermittence de la puissance. Si l’on tient compte enfin du degré d’affinité qui peut exister entre le fluide du médium et celui de tel ou tel Esprit, on concevra que son action peut s’exercer sur les uns et non sur les autres.

Ce que nous venons de dire s’applique évidemment aussi à la puissance médianimique concernant le mouvement des corps solides ; reste à savoir comment s’opère ce mouvement. Selon les réponses que nous avons rapportées ci-dessus, la question se présente sous un jour tout nouveau ; ainsi, quand un objet est mis en mouvement, enlevé ou lancé en l’air, ce ne serait point l’Esprit qui le saisit, le pousse ou le soulève, comme nous le ferions avec la main ; il le sature, pour ainsi dire, de son fluide par sa combinaison avec celui du médium, et l’objet, ainsi momentanément vivifié, agit comme le ferait un être vivant, avec cette différence que, n’ayant pas de volonté propre, il suit l’impulsion de la volonté de l’Esprit, et cette volonté peut être celle de l’Esprit du médium, tout aussi bien que celle d’un Esprit étranger, et quelquefois de tous les deux, agissant de concert, selon qu’ils sont ou non sympathiques. La sympathie ou l’antipathie qui peut exister entre le médium et les Esprits qui s’occupent de ces effets matériels explique pourquoi tous ne sont pas aptes à les provoquer.

Puisque le fluide vital, poussé en quelque sorte par l’Esprit, donne une vie factice et momentanée aux corps inertes, que le périsprit n’est autre chose que ce même fluide vital, il s’ensuit que lorsque l’Esprit est incarné, c’est lui qui donne la vie au corps, au moyen de son périsprit ; il y reste uni tant que l’organisation le permet ; quand il se retire, le corps meurt. Maintenant si, au lieu d’une table, on taille le bois en statue, et qu’on agisse sur cette statue comme sur une table, on aura une statue qui se remuera, qui frappera, qui répondra par ses mouvements et ses coups ; on aura, en un mot, une statue momentanément animée d’une vie artificielle. Quelle lumière cette théorie ne jette-t-elle pas sur une foule de phénomènes jusqu’alors inexpliqué ! que d’allégories et d’effets mystérieux n’explique-t-elle pas ! C’est toute une philosophie.

Théorie des manifestations physiques (1/2)

Article 1/2 – Revue spirite de mai 1858


L’influence morale des Esprits, les relations qu’ils peuvent avoir avec notre âme, ou l’Esprit incarné en nous, se conçoivent aisément. On comprend que deux êtres de même nature puissent se communiquer par la pensée, qui est un de leurs attributs, sans le secours des organes de la parole ; mais-ce dont il est plus difficile de se rendre compte, ce sont les effets matériels qu’ils peuvent produire, tels que les bruits, le mouvement des corps solides, les apparitions, et surtout les apparitions tangibles. Nous allons essayer d’en donner l’explication d’après les Esprits eux-mêmes, et d’après l’observation des faits.

L’idée que l’on se forme de la nature des Esprits rend au premier abord ces phénomènes incompréhensibles. L’Esprit, dit-on, c’est l’absence de toute matière, donc il ne peut agir matériellement ; or, là est l’erreur. Les Esprits interrogés sur la question de savoir s’ils sont immatériels, ont répondu ceci : « Immatériel n’est pas le mot, car l’Esprit est quelque chose, autrement ce serait le néant. C’est, si vous le voulez, de la matière, mais une matière tellement éthérée, que c’est pour vous comme si elle n’existait pas. » Ainsi l’Esprit n’est pas, comme quelques-uns le croient, une abstraction, c’est un être, mais dont la nature intime échappe à nos sens grossiers.

Cet Esprit incarné dans le corps constitue l’âme ; lorsqu’il le quitte à la mort, il n’en sort pas dépouillé de toute enveloppe. Tous nous disent qu’ils conservent la forme qu’ils avaient de leur vivant, et, en effet, lorsqu’ils nous apparaissent, c’est généralement sous celle que nous leur connaissions.

Observons-les attentivement au moment où ils viennent de quitter la vie ; ils sont dans un état de trouble ; tout est confus autour d’eux ; ils voient leur corps sain ou mutilé, selon leur genre de mort ; d’un autre côté ils se voient et se sentent vivre ; quelque chose leur dit que ce corps est à eux, et ils ne comprennent pas qu’ils en soient séparés : le lien qui les unissait n’est donc pas encore tout à fait rompu.

Ce premier moment de trouble dissipé, le corps devient pour eux un vieux vêtement dont ils se sont dépouillés et qu’ils ne regrettent pas, mais ils continuent à se voir sous leur forme primitive ; or ceci n’est point un système : c’est le résultat d’observations faites sur d’innombrables sujets. Qu’on veuille bien maintenant se reporter à ce que nous avons raconté de certaines manifestations produites par M. Home et autres médiums de ce genre : des mains apparaissent, qui ont toutes les propriétés de mains vivantes, que l’on touche, qui vous saisissent, et qui tout à coup s’évanouissent. Que devons-nous en conclure ? c’est que l’âme ne laisse pas tout dans le cercueil et qu’elle emporte quelque chose avec elle.

Il y aurait ainsi en nous deux sortes de matière : l’une grossière, qui constitue l’enveloppe extérieure, l’autre subtile et indestructible. La mort est la destruction, ou mieux la désagrégation de la première, de celle que l’âme abandonne ; l’autre se dégage et suit l’âme qui se trouve, de cette manière, avoir toujours une enveloppe ; c’est celle que nous nommons périsprit. Cette matière subtile, extraite pour ainsi dire de toutes les parties du corps auquel elle était liée pendant la vie, en conserve l’empreinte ; or voilà pourquoi les Esprits se voient et pourquoi ils nous apparaissent tels qu’ils étaient de leur vivant. Mais cette matière subtile n’a point la ténacité ni la rigidité de la matière compacte du corps ; elle est, si nous pouvons nous exprimer ainsi, flexible et expansible ; c’est pourquoi la forme qu’elle prend, bien que calquée sur celle du corps, n’est pas absolue ; elle se plie à la volonté de l’Esprit, qui peut lui donner telle ou telle apparence à son gré, tandis que l’enveloppe solide lui offrait une résistance insurmontable ; débarrassé de cette entrave qui le comprimait, le périsprit s’étend ou se resserre, se transforme, en un mot se prête à toutes les métamorphoses, selon la volonté qui agit sur lui.

L’observation prouve, et nous insistons sur ce mot observation, car toute notre théorie est la conséquence de faits étudiés, que la matière subtile qui constitue la seconde enveloppe de l’Esprit ne se dégage que peu à peu, et non point instantanément du corps. Ainsi les liens qui unissent l’âme et le corps ne sont point subitement rompus par la mort ; or, l’état de trouble que nous avons remarqué dure pendant tout le temps que s’opère le dégagement ; l’Esprit ne recouvre l’entière liberté de ses facultés et la conscience nette de lui-même que lorsque ce dégagement est complet.

L’expérience prouve encore que la durée de ce dégagement varie selon les individus. Chez quelques-uns il s’opère en trois ou quatre jours, tandis que chez d’autres il n’est pas entièrement accompli au bout de plusieurs mois. Ainsi la destruction du corps, la décomposition putride ne suffisent pas pour opérer la séparation ; c’est pourquoi certains Esprits disent : Je sens les vers qui me rongent.

Chez quelques personnes la séparation commence avant la mort ; ce sont celles qui, de leur vivant, se sont élevées par la pensée et la pureté de leurs sentiments au-dessus des choses matérielles ; la mort ne trouve plus que de faibles liens entre l’âme et le corps, et ces liens se rompent presque instantanément. Plus l’homme a vécu matériellement, plus il a absorbé ses pensées dans les jouissances et les préoccupations de la personnalité, plus ces liens sont tenaces ; il semble que la matière subtile se soit identifiée avec la matière compacte, qu’il y ait entre elles cohésion moléculaire ; voilà pourquoi elles ne se séparent que lentement et difficilement.

Dans les premiers instants qui suivent la mort, alors qu’il y a encore union entre le corps et le périsprit, celui-ci conserve bien mieux l’empreinte de la forme corporelle, dont il reflète pour ainsi dire toutes les nuances, et même tous les accidents. Voilà pourquoi un supplicié nous disait peu de jours après son exécution : Si vous pouviez me voir, vous me verriez avec la tête séparée du tronc. Un homme qui était mort assassiné nous disait : Voyez la plaie que l’on m’a faite au coeur. Il croyait que nous pouvions le voir.

Ces considérations nous conduiraient à examiner l’intéressante question de la sensation des Esprits et de leurs souffrances ; nous le ferons dans un autre article, voulant nous renfermer ici dans l’étude des manifestations physiques.

Représentons-nous donc l’Esprit revêtu de son enveloppe semi-matérielle ou périsprit, ayant la forme ou apparence qu’il avait de son vivant. Quelques-uns même se servent de cette expression pour se désigner ; ils disent : Mon apparence est à tel endroit. Ce sont évidemment là les mânes des Anciens. La matière de cette enveloppe est assez subtile pour échapper à notre vue dans son état normal ; mais elle n’est pas pour cela absolument invisible. Nous la voyons d’abord, par les yeux de l’âme, dans les visions qui se produisent pendant les rêves ; mais ce n’est pas ce dont nous avons à nous occuper. Il peut arriver dans cette matière éthérée telle modification, l’Esprit lui-même peut lui faire subir une sorte de condensation qui la rende perceptible aux yeux du corps ; c’est ce qui a eu lieu dans les apparitions vaporeuses. La subtilité de cette matière lui permet de traverser les corps solides ; voilà pourquoi ces apparitions ne rencontrent pas d’obstacles, et pourquoi elles s’évanouissent souvent à travers les murailles.

La condensation peut arriver au point de produire la résistance et la tangibilité ; c’est le cas des mains que l’on voit et que l’on touche ; mais cette condensation (c’est le seul mot dont nous puissions nous servir pour rendre notre pensée, quoique l’expression ne soit pas parfaitement exacte), cette condensation, disons-nous, ou mieux cette solidification de la matière éthérée, n’étant pas son état normal, n’est que temporaire ou accidentelle ; voilà pourquoi ces apparitions tangibles, à un moment donné, vous échappent comme une ombre. Ainsi, de même que nous voyons un corps se présenter à nous à l’état solide, liquide ou gazeux, selon son gré de condensation, de même la matière éthérée du périsprit peut se présenter à nous à l’état solide, vaporeux visible ou vaporeux invisible. Nous verrons tout à l’heure comment s’opère cette modification.

La main apparente tangible offre une résistance ; elle exerce une pression ; elle laisse des empreintes ; elle opère une traction sur les objets que nous tenons ; il y a donc en elle de la force. Or, ces faits, qui ne sont point des hypothèses, peuvent nous mettre sur la voie des manifestations physiques.

Remarquons d’abord que cette main obéit à une intelligence, puisqu’elle agit spontanément, qu’elle donne des signes non équivoques de volonté, et qu’elle obéit à la pensée ; elle appartient donc à un être complet qui ne nous montre que cette partie de lui-même, et ce qui le prouve, c’est qu’il fait impression avec des parties invisibles, que des dents ont laissé des empreintes sur la peau et ont fait éprouver de la douleur.

Parmi les différentes manifestations, une des plus intéressantes est sans contredit celle du jeu spontané des instruments de musique. Les pianos et les accordéons paraissent être, à cet effet, les instruments de prédilection. Ce phénomène s’explique tout naturellement par ce qui précède. La main qui a la force de saisir un objet peut bien avoir celle d’appuyer sur des touches et de les faire résonner ; d’ailleurs on a vu plusieurs fois les doigts de la main en actions et quand on ne voit pas la main, on voit les touches s’agiter et le soufflet s’ouvrir et se fermer. Ces touches ne peuvent être mues que par une main invisible, laquelle fait preuve d’intelligence en faisant entendre, non des sons incohérents, mais des airs parfaitement rythmés.

Puisque cette main peut nous enfoncer ses ongles dans la chair, nous pincer, nous arracher ce qui est à nos doigts ; puisque nous la voyons saisir et emporter un objet comme nous le ferions nous-mêmes, elle peut tout aussi bien frapper des coups, soulever et renverser une table, agiter une sonnette, tirer des rideaux, voire même donner un soufflet occulte.

On demandera sans doute comment cette main peut avoir la même force à l’état vaporeux invisible qu’à l’état tangible. Et pourquoi non ? Voyons-nous l’air qui renverse les édifices, le gaz qui lance un projectile, l’électricité qui transmet des signaux, le fluide de l’aimant qui soulève des masses ? Pourquoi la matière éthérée du périsprit serait-elle moins puissante ? Mais n’allons pas vouloir la soumettre à nos expériences de laboratoire et à nos formules algébriques ; n’allons pas surtout, parce que nous avons pris des gaz pour terme de comparaison, lui supposer des propriétés identiques et supputer ses forces comme nous calculons celle de la vapeur. Jusqu’à présent elle échappe à tous nos instruments ; c’est un nouvel ordre d’idées qui n’est pas du ressort des sciences exactes ; voilà pourquoi ces sciences ne donnent pas d’aptitude spéciale pour les apprécier.

Nous ne donnons cette théorie du mouvement des corps solides sous l’influence des Esprits que pour montrer la question sous toutes ses faces et prouver que, sans trop sortir des idées reçues, on peut se rendre compte de l’action des Esprits sur la matière inerte ; mais il en est une autre, d’une haute portée philosophique, donnée par les Esprits eux-mêmes, et qui jette sur cette question un jour entièrement nouveau ; on la comprendra mieux après avoir lu celle-ci ; il est utile d’ailleurs de connaître tous les systèmes afin de pouvoir comparer.

Reste donc maintenant à expliquer comment s’opère cette modification de substance éthérée du périsprit ; par quel procédé l’Esprit opère, et, comme conséquence, le rôle des médiums à influence physique dans la production de ces phénomènes ; ce qui se passe en eux dans cette circonstance, la cause et la nature de leur faculté, etc. C’est ce que nous ferons dans un prochain article.

Le regard spirite sur la pandémie de choléra en 1865

Cet article est extrait de la Revue Spirite de novembre 1865. Il est constitué d’un texte d’Allan Kardec et de deux communications du Dr Demeure (auteur spirituel) au sujet de la pandémie de choléra et des accusations portées contre le Spiritisme. Nous y trouvons de nombreuses leçons toujours actuelles en cette période de pandémie de coronavirus.


Le Spiritisme et le choléra

On sait de quelles accusations les premiers chrétiens étaient chargés à Rome ; il n’y avait pas de crimes dont ils ne fussent capables, pas de malheurs publics dont, au dire de leurs ennemis, ils ne fussent les auteurs volontaires ou la cause involontaire, car leur influence était pernicieuse. Dans quelques siècles d’ici on aura peine à croire que des esprits forts du dix-neuvième siècle aient tenté de ressusciter ces idées à l’égard des Spirites, en les déclarant auteurs de tous les troubles de la société, comparant leur doctrine à la peste, et en engageant à leur courir sus. Ceci est de l’histoire imprimée ; ces paroles sont tombées de plus d’une chaire évangélique ; mais ce qui est plus surprenant, c’est qu’on les trouve dans des journaux qui disent parler au nom de la raison, et se posent en champions de toutes les libertés, et de la liberté de conscience en particulier. Nous possédons déjà une assez curieuse collection des aménités de ce genre que nous nous proposons de réunir plus tard en un volume pour la plus grande gloire de leurs auteurs, et l’édification de la postérité. Nous serons donc reconnaissant à ceux qui voudront nous aider à enrichir cette collection en nous envoyant tout ce qui, à leur connaissance, a paru ou paraîtra sur ce sujet. En comparant ces documents de l’histoire du Spiritisme avec ceux de l’histoire des premiers siècles de l’Église, on sera surpris d’y trouver des pensées et des expressions identiques ; il n’y manque qu’une chose : les bêtes féroces du cirque, ce qui néanmoins est un progrès.

Le Spiritisme étant donc une peste éminemment contagieuse, puisque, de l’aveu de ses adversaires, il envahit avec une effrayante rapidité toutes les classes de la société, il a une certaine analogie avec le choléra ; aussi dans cette dernière levée de boucliers, certains critiques l’ont-ils facétieusement appelé le Spirito-morbus, et il n’y aurait rien de surprenant à ce qu’on ne l’accusât aussi d’avoir importé ce fléau ; car il est à remarquer que deux camps diamétralement opposés se donnent la main pour le combattre. Dans l’un, nous a-t-on assuré, on a fait frapper une médaille à l’effigie de saint Benoît qu’il suffit de porter pour se préserver de la contagion spirite ; on ne dit pas que ce moyen guérit ceux qui en sont atteints.

Il y a bien réellement une analogie entre le Spiritisme et le choléra, c’est la peur que l’un et l’autre causent à certaines gens ; mais considérons la chose à un point de vue plus sérieux ; voici ce qu’on nous écrit de Constantinople :

« … Les journaux vous ont appris la rigueur avec laquelle le terrible fléau vient de sévir dans notre cité et ses environs, tout en atténuant ses ravages. Quelques personnes, se disant bien informées, portent le nombre des cholériques décédés à 70 mille, et d’autres à près de cent mille. Toujours est-il que nous avons été rudement éprouvés, et vous pouvez vous figurer les douleurs et le deuil général de nos populations. C’est surtout dans ces tristes moments d’épidémie épouvantable que la foi et la croyance spirites donnent du courage ; nous venons tous d’en faire la plus véridique épreuve. Qui sait si nous ne devons pas à ce calme de l’âme, à cette persuasion de l’immortalité à cette certitude d’existences successives où les êtres sont récompensés selon leur mérite et leur degré d’avancement ; qui sait, dis-je, si ce n’est pas à ces croyances, bases de notre belle doctrine, que nous tous, Spirites de Constantinople, qui sommes, vous le savez, assez nombreux, devons d’avoir été préservés du fléau qui s’est promené, et se promène encore autour de nous ! Je dis ceci d’autant plus qu’il a été constaté, ici comme ailleurs, que la peur est le pré-dispositif le plus dangereux du choléra, comme l’ignorance en devient malheureusement la source contagieuse…

Repos jeune, avocat. »

Assurément il serait absurde de croire que la foi spirite soit un brevet de garantie contre le choléra ; mais comme il est scientifiquement reconnu que la peur, affaiblissant à la fois le moral et le physique, rend plus impressionnable et plus susceptible de recevoir les atteintes des maladies contagieuses, il est évident que toute cause tendant à fortifier le moral est un préservatif. On le comprend si bien aujourd’hui qu’on évite autant que possible, soit dans les comptes rendus, soit dans les dispositions matérielles, ce qui peut frapper l’imagination par un aspect lugubre.

Les Spirites peuvent sans doute mourir du choléra comme tout le monde, parce que leur corps n’est pas plus immortel que celui des autres, et que, lorsque l’heure est venue, il faut partir, que ce soit par cette cause ou par une autre ; le choléra est une de ces causes qui n’a de particulier que d’emmener un plus grand nombre de personnes à la fois, ce qui produit plus de sensation ; on part en masses, au lieu de partir en détail, voilà toute la différence. Mais la certitude qu’ils ont de l’avenir, et surtout la connaissance qu’ils ont de cet avenir, qui répond à toutes leurs aspirations et satisfait la raison, font qu’ils ne regrettent nullement la terre où ils se considèrent comme passagèrement en exil. Tandis qu’en présence de la mort, l’incrédule ne voit que le néant, ou se demande ce qu’il va en être de lui, le Spirite sait que, s’il meurt, il ne sera que dépouillé d’une enveloppe matérielle sujette aux souffrances et aux vicissitudes de la vie, mais qu’il sera toujours lui avec un corps éthéré inaccessible à la douleur ; qu’il jouira de perceptions nouvelles et de facultés plus grandes ; qu’il va retrouver ceux qu’il a aimés et qui l’attendent au seuil de la véritable vie, de la vie impérissable. Quant aux biens matériels, il sait qu’il n’en aura plus besoin et que les jouissances qu’ils procurent seront remplacées par des jouissances plus pures et plus enviables, qui ne laissent après elles ni amertume ni regrets. Il les abandonne donc sans peine et avec joie, et plaint ceux qui, restant après lui sur la terre, vont encore en avoir besoin. Il est comme celui qui, devenant riche, laisse ses vieilles défroques aux malheureux. Aussi dit-il à ses amis en les quittant : ne me plaignez pas ; ne pleurez pas ma mort ; félicitez-moi plutôt d’être délivré du souci de la vie, et d’entrer dans le monde radieux où je vais vous attendre.

Quiconque aura lu et médité notre ouvrage, le Ciel et l’enfer selon le Spiritisme, et surtout le chapitre sur les appréhensions de la mort, comprendra la force morale que les Spirites puisent dans leur croyance, en présence du fléau qui décime les populations.

S’en suit-il qu’ils vont négliger les précautions nécessaires en pareil cas, et se jeter tête baissée dans le danger ? Nullement : ils prendront toutes celles que commandent la prudence et une hygiène rationnelle, parce qu’ils ne sont point fatalistes, et que, s’ils ne craignent pas la mort, ils savent qu’ils ne doivent point la chercher. Or, négliger les mesures sanitaires qui peuvent en préserver serait un véritable suicide dont ils connaissent trop bien les conséquences pour s’y exposer. Ils considèrent comme un devoir de veiller à la santé du corps, parce que la santé est nécessaire pour l’accomplissement des devoirs sociaux. S’ils cherchent à prolonger la vie corporelle, ce n’est pas par attachement pour la terre, mais afin d’avoir plus de temps pour progresser, s’améliorer, s’épurer, dépouiller le vieil homme et acquérir une plus grande somme de mérites pour la vie spirituelle. Mais si, malgré tous les soins, ils doivent succomber, ils en prennent leur parti sans se plaindre, sachant que tout progrès porte ses fruits, que rien de ce que l’on acquiert en moralité et en intelligence n’est perdu, et que s’ils n’ont pas démérité aux yeux de Dieu, ils seront toujours mieux dans l’autre monde que dans celui-ci, alors même qu’ils n’y auraient pas la première place ; ils se disent simplement : Nous allons un peu plus tôt où nous serions allés un peu plus tard.

Croit-on qu’avec de telles pensées on ne soit pas dans les meilleures conditions de tranquillité d’esprit recommandées par la science ? Pour l’incrédule ou le douteux, la mort a toutes ses terreurs, car il perd tout et n’attend rien. Que peut dire un médecin matérialiste pour calmer chez les malades la peur de mourir ? Rien que ce que disait un jour l’un d’eux à un pauvre diable qui tremblait au seul mot de choléra : « Bah ! tant qu’on n’est pas mort il y a espoir ; puis, en définitive, on ne meurt qu’une fois, et c’est bientôt passé ; quand on est mort, tout est fini ; on ne souffre plus. » Tout est fini quand on est mort, voilà la suprême consolation qu’il donne.

Le médecin spirite, au contraire, dit à celui qui voit la mort devant lui : « Mon ami, je vais employer toutes les ressources de la science pour vous rendre la santé et vous conserver le plus longtemps possible ; nous réussirons, j’en ai l’espoir ; mais la vie de l’homme est entre les mains de Dieu, qui nous rappelle quand notre temps d’épreuve ici-bas est fini ; si l’heure de votre délivrance est arrivée, réjouissez-vous, comme le prisonnier qui va sortir de sa prison. La mort nous débarrasse du corps qui nous fait souffrir, et nous rend à la véritable vie, vie exempte de troubles et de misères. Si vous devez partir, ne pensez pas que vous soyez perdu pour vos parents et vos amis qui restent après vous ; non, vous n’en serez pas moins au milieu d’eux ; vous les verrez et vous les entendrez mieux que vous ne pouvez le faire en ce moment ; vous les conseillerez, les dirigerez, les inspirerez pour leur bien. Si donc il plaît à Dieu de vous rappeler à lui, remerciez-le de ce qu’il vous rend la liberté ; s’il prolonge votre séjour ici, remerciez-le encore de vous donner le temps d’achever votre tâche. Dans l’incertitude, soumettez-vous sans murmure à sa sainte volonté. »

De telles paroles ne sont-elles pas propres à ramener la sérénité dans l’âme, et cette sérénité ne seconde-t-elle pas l’efficacité des remèdes, tandis que la perspective du néant plonge le moribond dans l’anxiété du désespoir ?

Outre cette influence morale, le Spiritisme en a une plus matérielle. On sait que les excès de tous genres sont une des causes qui prédisposent le plus aux atteintes de l’épidémie régnante ; aussi les médecins recommandent-ils la sobriété en toutes choses, prescription salutaire, à laquelle bien des gens ont de la peine à se soumettre. En admettant qu’ils le fassent, c’est sans doute un point important, mais croit-on qu’une abstention momentanée puisse réparer instantanément les désordres organiques causés par des abus invétérés, dégénérés en habitude, qui ont usé le corps et l’ont, par cela même, rendu accessible aux miasmes délétères ? En dehors du choléra, ne sait-on pas combien l’habitude de l’intempérance est pernicieuse dans les climats torrides, et dans ceux où la fièvre jaune est endémique ? Eh bien ! le Spirite, par suite de ses croyances et de la manière dont il envisage le but de la vie présente et le résultat de la vie future, modifie profondément ses habitudes ; au lieu de vivre pour manger, il mange pour vivre ; il ne fait aucun excès ; il ne vit point en cénobite : aussi use-t-il de tout, mais n’abuse de rien. Ce doit être assurément là une considération prépondérante à ajouter à celle que fait valoir notre correspondant de Constantinople.

Voilà donc un des résultats de cette doctrine, à laquelle l’incrédulité jette l’injure et le sarcasme ; qu’elle bafoue, taxe de folie, et qui, selon elle, apporte la perturbation dans la société. Gardez votre incrédulité, si elle vous plaît, mais respectez une croyance qui rend heureux et meilleurs ceux qui la possèdent. Si c’est une folie de croire que tout ne finit pas pour nous avec la vie, qu’après la mort, nous vivons d’une vie meilleure, exempte de soucis ; que nous revenons au milieu de ceux que nous aimons ; ou encore de croire qu’après la mort nous ne sommes ni plongés dans les flammes éternelles, sans espoir d’en sortir, ce qui ne vaudrait guère mieux que le néant, ni perdus dans l’oisive et béate contemplation de l’infini, plût à Dieu que tous les hommes fussent fous de cette manière ; il y aurait parmi eux bien moins de crimes et de suicides.

De nombreuses communications ont été données sur le choléra ; plusieurs l’ont été à la Société de Paris ou dans notre cercle intime ; nous n’en reproduisons que deux, fondues en une seule, pour éviter les répétitions, et qui résument la pensée dominante du plus grand nombre.

Société de Paris. – Médiums, MM. Desliens et Morin

Puisque le choléra est une question d’actualité, et que chacun apporte son remède pour repousser le terrible fléau, je me permettrai, si vous le voulez bien, de donner également mon avis, bien qu’il me paraisse peu probable que vous ayez à en craindre les atteintes d’une manière cruelle. Cependant, comme il est bon qu’à l’occasion les moyens ne fassent pas défaut, je mets mon peu de lumière à votre disposition.

Cette affection, quoi qu’on en dise, n’est pas immédiatement contagieuse, et ceux qui se trouvent dans un endroit où elle sévit ne doivent pas craindre de donner leurs soins aux malades.

Il n’existe pas de remède universel contre cette maladie, soit préventif, soit curatif, attendu que le mal se complique d’une foule de circonstances qui tiennent, soit au tempérament des individus, soit à leur état moral et à leurs habitudes, soit aux conditions climatériques, ce qui fait que tel remède réussit dans certains cas et non dans d’autres. On peut dire qu’à chaque période d’invasion et selon les localités, le mal doit faire l’objet d’une étude spéciale, et requiert une médication différente. C’est ainsi, par exemple, que la glace, la thériaque, etc., qui ont pu guérir des cas nombreux dans les choléras de 1832, de 1849, et dans certaines contrées, pourraient ne donner que des résultats négatifs à d’autres époques et dans d’autres pays. Il y a donc une foule de remèdes bons, et pas un qui soit spécifique. C’est cette diversité dans les résultats qui a dérouté et déroutera longtemps encore la science, et qui fait que nous-mêmes ne pouvons donner de remède applicable à tout le monde, parce que la nature du mal ne le comporte pas. Il y a cependant des règles générales, fruits de l’observation, et dont il importe de ne pas s’écarter.

Le meilleur préservatif consiste dans les précautions de l’hygiène sagement recommandées dans toutes les instructions données à cet effet ; ce sont par-dessus tout la propreté, l’éloignement de toute cause d’insalubrité et des foyers d’infection, l’abstention de tout excès. Avec cela il faut éviter de changer ses habitudes alimentaires, si ce n’est pour en retrancher les choses débilitantes. Il faut également éviter les refroidissements, les transitions brusques de température, et s’abstenir, à moins de nécessité absolue, de toute médication violente pouvant apporter un trouble dans l’économie.

La peur, vous le savez, est souvent en pareil cas pire que le mal ; le sang-froid ne se commande pas, malheureusement, mais vous, Spirites, vous n’avez besoin d’aucun conseil sur ce point ; vous regardez la mort sans sourciller, et avec le calme que donne la foi.

En cas d’attaque, il importe de ne pas négliger les premiers symptômes. La chaleur, la diète, une transpiration abondante, les frictions, l’eau de riz dans laquelle on a mis quelques gouttes de laudanum, sont des médicaments peu coûteux et dont l’action est très efficace, si l’énergie morale et le sang-froid viennent s’y joindre. Comme il est souvent difficile de se procurer du laudanum en l’absence d’un médecin, on peut y suppléer, en cas d’urgence, par toute autre composition calmante, et en particulier par le suc de laitue, mais employé à faible dose. On peut d’ailleurs faire bouillir simplement quelques feuilles de laitue dans l’eau de riz.

La confiance en soi et en Dieu est, en pareille circonstance, le premier élément de la santé.

Maintenant que votre santé matérielle est mise à l’abri du danger, permettez-moi de songer à votre tempérament spirituel, auquel une épidémie d’un autre genre semble vouloir s’attaquer. Ne craignez rien de ce côté ; le mal ne saurait atteindre que les êtres à qui la vie vraiment spirituelle fait défaut, et déjà morts sur la tige. Tous ceux qui se sont voués sans retour et sans arrière-pensée à la doctrine y puiseront au contraire de nouvelles forces, pour faire fructifier les enseignements que nous nous faisons un devoir de vous transmettre. La persécution, quelle qu’elle soit, est toujours utile ; elle met au jour les cœurs solides, et si elle détache du tronc principal quelques branches mal attachées, les jeunes rejetons, mûris par les luttes dans lesquelles ils triompheront en suivant nos avis, deviendront des hommes sérieux et réfléchis. Ainsi donc bon courage ; marchez sans crainte dans la voie qui vous est tracée, et comptez sur celui qui ne vous fera jamais défaut dans la mesure de ses forces.

Docteur Demeure.

La voix de Dieu

Article paru dans la Revue Spirite d’octobre 1863.


Société spirite de Paris, 11 juillet 1862. – Médium, M. Flammarion

Avez-vous entendu le bruit confus de la mer retentissante lorsque l’aquilon gonfle les vagues ou lorsqu’elle brise en mugissant ses lames argentées sur le rivage ? Avez-vous entendu le fracas sonore de la foudre dans les nues assombries ou le murmure de la forêt sous le souffle du vent du soir ? Avez-vous entendu au fond de l’âme cette multiple harmonie qui ne parle aux sens que pour les traverser et arriver jusqu’à l’être pensant et aimant ? Si donc vous n’avez pas entendu et compris ces muettes paroles, vous n’êtes pas enfants de la révélation, et vous ne croyez pas encore. A ceux-là je dirai : « Sortez de la ville à cette heure silencieuse où les rayons étoilés descendent du ciel et, recueillant en vous-mêmes vos intimes pensées, contemplez le spectacle qui vous entoure, et vous arriverez avant l’aube à partager la foi de vos frères. » A ceux qui croient déjà à la grande voix de la nature je dirai : « Enfants de la nouvelle alliance, c’est la voix du Créateur et du conservateur des êtres qui parle dans le tumulte des flots, dans le retentissement du tonnerre ; c’est la voix de Dieu qui parle dans le souffle des vents : amis, écoutez encore, écoutez souvent, écoutez longtemps, écoutez toujours, et le Seigneur vous recevra les bras ouverts. » O vous, qui avez déjà entendu sa voix puissante ici-bas, vous la comprendrez mieux dans l’autre monde.            

Galilée