Rendez à César ce qui est à César

Extrait de L’Evangile selon le Spiritisme chapitre XI – Aimer son prochain comme soi-même


5. Alors les Pharisiens s’étant retirés firent dessein entre eux de le surprendre dans ses paroles. – Ils lui envoyèrent donc leurs disciples avec les Hérodiens, lui dire : Maître, nous savons que vous êtes véritable, et que vous enseignez la voie du Dieu dans la vérité, sans avoir égard à qui que ce soit, parce que vous ne considérez point la personne dans les hommes ; – dites-nous donc votre avis sur ceci : Nous est-il libre de payer le tribut à César, ou de ne pas le payer ?

Mais Jésus, connaissant leur malice, leur dit : Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ? Montrez-moi la pièce d’argent qu’on donne pour le tribut. Et eux lui ayant présenté un denier, Jésus leur dit : De qui est cette image et cette inscription ? – De César, lui dirent-ils. Alors Jésus leur répondit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.

L’ayant entendu parler de la sorte, ils admirèrent sa réponse, et le laissant, ils se retirèrent. (Saint Matth., ch. XXII, v. de 15 à 22 ; Saint Marc, ch. XII, v. de 13 à 17.)

6. La question posée à Jésus était motivée par cette circonstance que les Juifs ayant en horreur le tribut qui leur était imposé par les Romains, en avaient fait une question religieuse ; un parti nombreux s’était formé pour refuser l’impôt ; le payement du tribut était donc pour eux une question irritante d’actualité, sans cela la demande faite à Jésus : «Nous est-il libre de payer ou de ne pas payer le tribut à César ?» n’aurait eu aucun sens. Cette question était un piège ; car, suivant sa réponse, ils espéraient exciter contre lui soit l’autorité romaine, soit les Juifs dissidents. Mais «Jésus, connaissant leur malice,» élude la difficulté en leur donnant une leçon de justice, et en disant de rendre à chacun ce qui lui est dû. (Voir l’introduction, article : Publicains.)

7. Cette maxime : «Rendez à César ce qui est à César,» ne doit point s’entendre d’une manière restrictive et absolue. Comme tous les enseignements de Jésus, c’est un principe général résumé sous une forme pratique et usuelle, et déduit d’une circonstance particulière. Ce principe est une conséquence de celui qui dit d’agir envers les autres comme nous voudrions que les autres agissent envers nous ; il condamne tout préjudice matériel et moral porté à autrui, toute violation de ses intérêts ; il prescrit le respect des droits de chacun, comme chacun désire qu’on respecte les siens ; il s’étend à l’accomplissement des devoirs contractés envers la famille, la société, l’autorité, aussi bien qu’envers les individus.

Problèmes moraux adressés à Saint Louis

Extrait de la Revue Spirite de Mai 1858


1. De deux hommes riches, l’un est né dans l’opulence et n’a jamais connu le besoin, l’autre
doit sa fortune à son travail ; tous les deux l’emploient exclusivement à leur satisfaction
personnelle ; quel est le plus coupable ? – R. Celui qui a connu les souffrances : il sait ce
que c’est que souffrir.

2. Celui qui accumule sans cesse et sans faire de bien à personne trouve-t-il une excuse valable dans la pensée qu’il amasse pour laisser davantage à ses enfants ? – R. C’est un compromis avec la mauvaise conscience.
3. De deux avares, le premier se refuse le nécessaire et meurt de besoin sur son trésor ; le
second n’est avare que pour les autres : il est prodigue pour lui-même ; tandis qu’il se refuse
au plus léger sacrifice pour rendre service ou faire une chose utile, rien ne lui coûte pour
satisfaire ses jouissances personnelles. Lui demande-t-on un service, il est toujours gêné ;
veut-il se passer une fantaisie, il en trouve toujours assez. Quel est le plus coupable, et quel
est celui qui aura la plus mauvaise place dans le monde des Esprits ? – R. Celui qui jouit ;
l’autre a trouvé déjà sa punition.

4. Celui qui, de son vivant, n’a pas fait un emploi utile de sa fortune trouve-t-il un soulagement en faisant du bien après sa mort, par la destination qu’il lui donne ? – R. Non ; le bien vaut ce qu’il coûte.

Pendant la promenade matinale

Chapitre 46 d’Aurore Chrétienne, de l’Esprit Neio Lucio et psychographié par Chico Xavier.


Dionysos, le meunier, est parti très tôt en compagnie de son fils, en direction du grand champ de maïs.

La matinée s’annonçait belle.

Les collines voisines semblaient habillées de mousseline flottante.

Les brins d’herbe, ayant encore la rosée nocturne, ressemblaient à un tissu vert exquis, décoré de perles. Les fleurs rouges, çà et là, donnaient l’idée de bijoux éparpillés sur le sol.
Les arbres, très grands, au bord de la route, se réveillaient doucement au souffle du vent.
Le soleil apparaissait brillant, revêtant le paysage d’une couronne resplendissante.

Ronaldo, le petit guidé par la main paternelle, suivait tout émerveillé. Il ne savait qu’admirer le plus : le drap de brouillard très blanc ou l’horizon flamboyant de lumière. À un moment, il a
demandé, heureux :

– Papa, de qui est tout ce monde ?

– Tout appartient au Créateur, mon fils – a expliqué le meunier content – le soleil, l’air, les eaux, les arbres et les fleurs, tout, tout est son œuvre à lui, notre Père et Seigneur.

– Pourquoi tout cela ? – a continué joyeusement le petit.

– Afin que nous puissions profiter de cette école divine qu’est la Terre.

– L’école ?

– Oui, mon fils – a dit le père, patient – ici, nous devons apprendre dans le travail, à nous aimer les uns les autres, à améliorer nos sentiments, nous devons apprendre comment perfectionner le sol sur lequel nous marchons, transformer les collines, les plaines et les rochers en villes, en fermes, en écuries, en vergers, en champs de maïs et en jardins.

Ronaldo n’a pas immédiatement compris ce que signifiait « améliorer nos sentiments » ; cependant, il savait parfaitement ce qu’était l’enlèvement d’un tas de pierres. Surpris, il a demandé, à nouveau :

– Alors, papa, nous sommes obligés de travailler autant ?

Comment sera-t-il possible de modifier ce monde si grand ?

Le meunier a réfléchi quelques instants et a observé :

– Mon fils, j’ai entendu dire qu’une hirondelle se promenait seule quand elle a remarqué qu’un feu brûlait son champ préféré. Le feu dévorait les plantes et les nids. En vain, elle a crié à l’aide. Voyant que personne n’écoutait ses appels, elle s’est dirigée rapidement vers le ruisseau non loin de là, elle a plongé ses petites ailes dans l’eau froide et claire ; puis elle est retournée dans la zone de l’incendie, et a secoué ses ailes mouillées sur les flammes dévorantes, cherchant à les éteindre. Elle a répété l’opération, plusieurs fois, lorsqu’un faucon paresseux s’est approché, lui demandant avec ironie : «Tu crois, en vérité, combattre un incendie si grand avec quelques gouttes d’eau ?» La petite hirondelle serviable, cependant, a répondu calmement :

«Il est probable que je ne puisse pas faire tout le travail ; cependant, je suis immensément heureuse d’accomplir mon devoir».

Le meunier a fait une pause et a interrogé son fils :

– Ne crois-tu pas que nous pouvons imiter cet exemple ?

Si nous procédions tous comme l’hirondelle active et vigilante, en peu de temps la Terre entière serait transformée en paradis.

L’enfant se tut, comprenant l’étendue de l’enseignement et contemplant la beauté du paysage du matin, depuis les bords du chemin jusqu’à la montagne lointaine, il se promit de chercher à remplir, dans le monde, toutes les obligations qui lui incomberaient dans l’œuvre sublime du Bien infini.

Le devoir

Extrait de la Revue Spirite de décembre 1863


Société spirite de Paris, 20 novembre 1863. – Médium, M. Costel

Le devoir est l’obligation morale, vis-à-vis de soi d’abord, et des autres ensuite ; le devoir est la loi de la vie, il se trouve dans les plus infimes détails, aussi bien que dans les actes élevés. Je ne vais parler ici que du devoir moral, et non de celui qu’imposent les professions.

Dans l’ordre des sentiments, le devoir est très difficile à remplir, parce qu’il se trouve en antagonisme avec les séductions de l’instinct et du cœur ; ses victoires n’ont pas de témoins, et ses défaites n’ont pas de répression. Le devoir intime de l’homme est abandonné à son libre arbitre ; l’aiguillon de la conscience, cette gardienne de la probité intérieure, l’avertit et le soutient ; mais elle demeure souvent impuissante devant les sophismes de la passion. Le devoir du cœur, fidèlement observé, élève l’homme ; mais ce devoir, comment le préciser ? Où commence-t-il ? où s’arrête-t-il ? Il commence expressément au point où vous menacez le bonheur ou le repos de votre prochain ; il se termine à la limite que vous ne voudriez pas voir franchir pour vous-même.

Dieu a créé tous les hommes égaux pour la douleur ; petits ou grands, ignorants ou éclairés, souffrent par les mêmes causes, afin que chacun juge sainement le mal qu’il peut faire. Le même critérium n’existe pas pour le bien, infiniment plus varié dans ses expressions. L’égalité devant la douleur est une sublime prévoyance de Dieu, qui veut que ses enfants, instruits par l’expérience commune, ne commettent pas le mal en arguant de l’ignorance de ses effets.

Le devoir est le résumé pratique de toutes les spéculations morales ; c’est une bravoure de l’âme qui affronte les angoisses de la lutte ; il est austère et simple ; prompt à se plier aux complications diverses, il demeure inflexible devant leurs tentations. L’homme qui remplit son devoir aime Dieu plus que les créatures, et les créatures plus que lui-même ; il est à la fois juge et esclave dans sa propre cause. Le devoir est le plus beau fleuron de la raison ; il relève d’elle, comme le fils relève de sa mère. L’homme doit aimer le devoir, non parce qu’il préserve des maux de la vie auxquels l’humanité ne peut être soustraite, mais parce qu’il donne à l’âme la vigueur nécessaire à son développement. L’homme ne peut détourner le calice de ses épreuves ; le devoir est pénible dans ses sacrifices ; le mal est amer dans ses résultats ; mais ces douleurs, presque égales, ont des conclusions très différentes : l’une est salutaire comme les poisons qui rendent la santé, l’autre est nuisible comme les festins qui ruinent le corps.

Le devoir grandit et rayonne sous une forme plus élevée dans chacune des étapes supérieures de l’humanité. L’obligation morale ne cesse jamais de la créature à Dieu ; elle doit refléter les vertus de l’Éternel, qui n’accepte pas une ébauche imparfaite, parce qu’il veut que la beauté de son œuvre resplendisse devant lui.

Lazare

Le spiritisme : religion, philosophie, et science

Extrait de Le problème de l’être et de la destinée, de Léon Denis – chapitre 1 L’évolution de la pensée


Les religions ont contribué puissamment à l’éducation humaine ; elles ont opposé un frein aux passions violentes, à la barbarie des âges de fer, et gravé fortement la notion morale au fond des consciences. L’esthétique religieuse a enfanté des chefs d’œuvre dans tous les domaines ; elle a participé dans une large mesure à la révélation d’art et de beauté qui se poursuit à travers les siècles. L’art grec avait créé des merveilles. L’art chrétien a atteint le sublime dans ces cathédrales gothiques qui se dressent, bibles de pierre, sous le ciel, avec leurs fières tours sculptées, leurs nefs imposantes, qu’emplissent les vibrations des orgues et des chants sacrés, leurs hautes ogives, d’où la lumière descend à flots et ruisselle sur les fresques et les statues ; mais son rôle s’achève, car, déjà, il se copie, ou se repose, comme épuisé.

L’erreur religieuse, et surtout l’erreur catholique, n’est pas de l’ordre esthétique, lequel ne trompe pas : elle est de l’ordre logique. Elle consiste à enfermer la religion en des dogmes étroits, en des formes rigides. Alors que le mouvement est la loi même de la vie, le catholicisme a immobilisé la pensée, au lieu de provoquer son essor.

Il est dans la nature de l’homme d’épuiser toutes les formes d’une idée, de se porter aux extrêmes, avant de reprendre le cours normal de son évolution. Chaque vérité religieuse, affirmée par un novateur, s’affaiblit et s’altère par la suite, les disciples étant presque toujours incapables de se maintenir à la hauteur où le maître les a attirés. La doctrine devient, dès lors, une source d’abus et provoque, peu à peu, un mouvement contraire dans le sens du scepticisme et de la négation. A la foi aveugle succède l’incrédulité ; le matérialisme fait son œuvre ; et c’est seulement lorsqu’il a montré toute son impuissance dans l’ordre social qu’une rénovation idéaliste devient possible.

Dès les premiers temps du christianisme, des courants divers : judaïque, hellénique, gnostique, se mêlent et se heurtent dans le lit de la religion naissante. Des schismes éclatent ; les déchirements, les conflits se succèdent, au milieu desquels la pensée du Christ se voile peu à peu et s’obscurcit. Nous avons montré[1] de quelles altérations, de quels remaniements successifs la doctrine chrétienne a été l’objet à la suite des âges. Le véritable christianisme était une loi d’amour et de liberté ; les églises en ont fait une loi de crainte et d’asservissement. De là l’éloignement graduel des penseurs pour l’Église ; de là l’affaiblissement de l’esprit religieux dans notre pays.

A la faveur du trouble qui envahit les esprits et les consciences, le matérialisme a gagné du terrain. Sa morale, prétendue scientifique, qui proclame la nécessité de la lutte pour la vie, la disparition des faibles et la sélection des forts, règne aujourd’hui presque en souveraine dans la vie publique comme dans la vie privée. Toutes les activités se portent vers la conquête du bien-être et des jouissances physiques. Faute d’entraînement moral et de discipline, les ressorts de l’âme française se détendent ; le malaise et la discorde se glissent partout, dans la famille, dans la nation. C’est là, disions-nous, une période de crise. Rien ne meurt, malgré les apparences ; tout se transforme et se renouvelle. Le doute qui assiège les âmes à notre époque prépare la voie aux convictions de demain, à la foi intelligente et éclairée qui régnera sur l’avenir et s’étendra à tous les peuples, à toutes les races.

Quoique jeune encore et divisée par les nécessités de territoire, de distance, de climat, l’humanité a commencé à prendre conscience d’elle-même. Au-dessus, au-delà des antagonismes politiques et religieux, des groupements d’intelligences se constituent. Des hommes hantés des mêmes problèmes, aiguillonnés par les mêmes soucis, inspirés de l’Invisible, travaillent à une oeuvre commune et poursuivent les mêmes solutions. Peu à peu, les éléments d’une science psychologique et d’une croyance universelle apparaissent, se fortifient, s’étendent. Nombre de témoins impartiaux y voient le prélude d’un mouvement de la pensée qui tend à embrasser toutes les sociétés de la terre[2].

L’idée religieuse achève de parcourir son cycle inférieur, et les plans d’une spiritualité plus haute se dessinent. On peut dire que la religion est l’effort de l’humanité pour communier avec l’essence éternelle et divine. Voilà pourquoi il y aura toujours des religions et des cultes, de plus en plus larges et conformes aux lois supérieures de l’esthétique, qui sont l’expression de l’harmonie universelle. Le beau, dans ses règles les plus élevées, est une loi divine, et ses manifestations, en se rattachant à l’idée de Dieu, revêtiront forcément un caractère religieux.

A mesure que la pensée mûrit, des missionnaires de tous ordres viennent provoquer la rénovation religieuse au sein des humanités. Nous assistons au prélude d’une de ces rénovations, plus grande et plus profonde que les précédentes. Elle n’a plus seulement des hommes pour mandataires et pour interprètes, ce qui rendrait cette nouvelle dispensation aussi précaire que les autres. Ce sont les Esprits inspirateurs, les génies de l’espace, qui exercent à la fois leur action sur toute la surface du globe et dans tous les domaines de la pensée. Sur tous les points, un nouveau spiritualisme apparaît. Et aussitôt, la question se pose : Qu’es-tu ? lui demande-t-on : science ou religion ? Esprits étroits, croyez-vous donc que la pensée doive suivre éternellement les ornières que le passé a creusé !

Jusqu’ici, tous les domaines intellectuels ont été séparés les uns des autres, enclos de barrières, de murailles : la science d’un côté, la religion de l’autre ; la philosophie et la métaphysique sont hérissées de broussailles impénétrables. Alors que tout est simple, vaste et profond dans le domaine de l’âme comme dans celui de l’univers, l’esprit de système a tout compliqué, rétréci, divisé. La religion a été murée dans la sombre geôle des dogmes et des mystères ; la science, emprisonnée dans les plus bas étages de la matière. Là, n’est pas la vraie religion, ni la vraie science. Il suffira de s’élever au-dessus de ces classifications arbitraires pour comprendre que tout se concilie et se réconcilie dans une vision plus haute.

Est-ce que, dès aujourd’hui, notre science, quoique élémentaire, dès qu’elle se livre à l’étude de l’espace et des mondes, ne provoque pas aussitôt un sentiment d’enthousiasme, d’admiration presque religieuse ? Lisez les ouvrages des grands astronomes, des mathématiciens de génie. Ils vous diront que l’univers est un prodige de sagesse, d’harmonie, de beauté, et que, déjà, dans la pénétration des lois supérieures, se réalise l’union de la science, de l’art et de la religion par la vision de Dieu dans son oeuvre. Parvenue à ces hauteurs, l’étude devient une contemplation et la pensée se change en prière !

Le spiritualisme moderne va accentuer, développer cette tendance, lui donner un sens plus clair et plus précis. Par son côté expérimental, il n’est encore qu’une science ; par le but de ses recherches, il plonge à travers les régions invisibles et s’élève jusqu’aux sources éternelles d’où découlent toute force et toute vie. Par là, il unit l’homme à la Puissance divine et devient une doctrine, une philosophie religieuse. Il est, de plus, le lien qui réunit deux humanités. Par lui, les esprits prisonniers dans la chair et ceux qui en sont délivrés s’appellent, se répondent ; entre eux, une véritable communion s’établit.

Il ne faut donc pas voir là une religion dans le sens étroit, dans le sens actuel de ce mot. Les religions de notre temps veulent des dogmes et des prêtres, et la doctrine nouvelle n’en comporte pas. Elle est ouverte à tous les chercheurs ; l’esprit de libre critique, d’examen et de contrôle préside à ses investigations.

Les dogmes et les prêtres sont nécessaires, et le seront longtemps encore, aux âmes jeunes et timides qui pénètrent chaque jour dans le cercle de la vie terrestre et ne peuvent se diriger seules dans la voie de la connaissance, ni analyser leurs besoins et leurs sensations.

Le spiritualisme moderne s’adresse surtout aux âmes évoluées, aux esprits libres et majeurs, qui veulent trouver par eux-mêmes la solution des grands problèmes et la formule de leur Credo. Il leur offre une conception, une interprétation des vérités et des lois universelles, basée sur l’expérimentation, sur la raison et sur l’enseignement des Esprits. Ajoutez-y la révélation des devoirs et des responsabilités, qui, seule, donne une base solide à notre instinct de justice. Puis, avec la force morale, les satisfactions du coeur, la joie de retrouver, au moins par la pensée, quelquefois même par la forme[3], les êtres aimés que l’on croyait perdus. A la preuve de leur survivance, se joint la certitude de les rejoindre et de revivre avec eux des vies sans nombre, vies d’ascension, de bonheur ou de progrès.

Ainsi, graduellement, les problèmes les plus obscurs s’éclairent ; l’Au-delà s’entrouvre ; le côté divin des êtres et des choses se révèle. Par la force de ces enseignements, tôt ou tard, l’âme humaine montera, et, des hauteurs atteintes, elle verra que tout se relie, que les différentes théories, contradictoires et hostiles en apparence, ne sont que les aspects divers d’un même tout. Les lois du majestueux univers se résumeront, pour elle, en une loi unique, à la fois force intelligente et consciente, mode de pensée et d’action. Et par là, tous les mondes, tous les êtres se trouveront reliés dans une même unité puissante, associés dans une même harmonie, entraînés vers un même but.

Un jour viendra où tous les petits systèmes, étroits et vieillis, se fondront en une vaste synthèse, embrassant tous les royaumes de l’idée. Sciences, philosophies, religions, aujourd’hui divisées, se rejoindront dans la lumière et ce sera la vie, la splendeur de l’esprit, le règne de la Connaissance. Dans cet accord magnifique, les sciences fourniront la précision et la méthode dans l’ordre des faits ; les philosophies, la rigueur de leurs déductions logiques ; la poésie, l’irradiation de ses lumières et la magie de ses couleurs. La religion y ajoutera les qualités du sentiment et la notion d’esthétique élevée. Ainsi se réaliseront la beauté dans la force et l’unité de la pensée. L’âme s’orientera vers les plus hautes cimes, tout en maintenant l’équilibre de relation nécessaire qui doit régler la marche parallèle et rythmée de l’intelligence et de la conscience, dans leur ascension à la conquête du Bien et du Vrai.


[1]    Christianisme et Spiritisme (première partie, passim).

[2]    Sir O. Lodge, qui fut recteur de l’Université de Birmingham, membre de l’Académie royale, voyait dans les études psychiques l’avènement prochain d’une nouvelle religion plus libre (Annales des Sciences Psychiques, décembre 1905, p.765.)

      Voir aussi Maxwell, procureur général à la Cour d’appel de Bordeaux, les Phénomènes Psychiques, p. 11.

[3]    Voir Dans l’Invibible : Apparitions et matérialisations d’Esprits.

La discipline de la pensée et la réforme du caractère

Du livre Le problème de l’être et de la destinée, de Léon Denis (extrait du chapitre 24).


La pensée est créatrice, disions-nous. Elle n’agit pas seulement autour de nous, influençant nos semblables en bien ou en mal ; elle agit surtout en nous. Elle génère nos paroles, nos actions et, par elle, nous construisons chaque jour l’édifice, grandiose ou misérable, de notre vie, présente et à venir. Nous façonnons notre âme et son enveloppe par nos pensées ; celles-ci produisent des formes, des images qui s’impriment dans la matière subtile dont le corps fluidique est composé. Ainsi, peu à peu, notre être se peuple de formes frivoles ou austères, gracieuses ou terribles, grossières ou sublimes ; l’âme s’ennoblit, se pare de beauté, ou se fait une atmosphère de laideur.

Il n’est pas de sujet plus important que l’étude de la pensée, de ses pouvoirs, de son action. Elle est la cause initiale de notre élévation ou de notre abaissement ; elle prépare toutes les découvertes de la science, toutes les merveilles de l’art, mais aussi toutes les misères et toutes les hontes de l’humanité. Suivant l’impulsion donnée, elle fonde ou détruit les institutions comme les empires, les caractères comme les consciences. L’homme n’est grand, l’homme ne vaut que par sa pensée ; par elle ses oeuvres rayonnent et se perpétuent à travers les siècles.

Le spiritualisme expérimental, beaucoup mieux que toutes les doctrines antérieures, nous permet de saisir, de comprendre toute la force de projection de la pensée. Elle est le principe de la communion universelle. Nous la voyons agir dans le phénomène spirite, qu’elle facilite ou entrave ; son rôle dans les séances d’expérimentation est toujours considérable. La télépathie nous a démontré que les âmes peuvent s’impressionner, s’influencer à toutes distances. C’est le moyen dont se servent les humanités de l’espace pour communiquer entre elles à travers les immensités sidérales. Dans tout le champ des activités solaires, dans tous les domaines du monde visible ou invisible, l’action de la pensée est souveraine. Elle ne l’est pas moins, répétons-le, en nous-mêmes et sur nous-mêmes, modifiant constamment notre nature intime.

Les vibrations de nos pensées, de nos paroles, en se renouvelant dans un sens uniforme, chassent de notre enveloppe les éléments qui ne peuvent vibrer en harmonie avec elles ; elles attirent des éléments similaires qui accentuent les tendances de l’être. Une oeuvre, souvent inconsciente, s’élabore ; mille ouvriers mystérieux travaillent dans l’ombre ; aux profondeurs de l’âme, toute une destinée s’ébauche ; dans sa gangue, le diamant caché s’épure ou se ternit.

Si nous méditons sur des sujets élevés, sur la sagesse, le devoir, le sacrifice, notre être s’imprègne peu à peu des qualités de notre pensée. Voilà pourquoi la prière improvisée, ardente, l’élan de l’âme vers les puissances infinies, a tant de vertu. Dans ce dialogue solennel de l’être avec sa cause, l’influx d’en haut nous envahit et des sens nouveaux s’éveillent. La compréhension, la conscience de la vie s’augmente et nous sentons, mieux qu’on ne peut l’exprimer, la gravité et la grandeur de la plus humble des existences. La prière, la communion par la pensée avec l’univers spirituel et divin, c’est l’effort de l’âme vers la beauté et la vérité éternelles ; c’est l’entrée pour un instant dans les sphères de la vie réelle et supérieure, celle qui n’a pas de terme.

Si, au contraire, notre pensée est inspirée par de mauvais désirs, par la passion, la jalousie, la haine, les images qu’elle enfante se succèdent, s’accumulent dans notre corps fluidique et l’enténèbrent. Ainsi, nous pouvons, à volonté, faire en nous la lumière ou l’ombre. C’est ce qu’affirment tant de communications d’outre-tombe.

Nous sommes ce que nous pensons, à la condition de penser avec force, volonté, persistance. Mais presque toujours nos pensées passent constamment d’un sujet à un autre. Nous pensons rarement par nous-mêmes, nous reflétons les mille pensées incohérentes du milieu où nous vivons. Peu d’hommes savent vivre de leur propre pensée, puiser aux sources profondes, à ce grand réservoir d’inspirations que chacun porte en soi, mais que la plupart ignorent. Aussi se font-ils une enveloppe peuplée des formes les plus disparates. Leur esprit est comme une demeure ouverte à tous les passants. Les rayons du bien et les ombres du mal s’y confondent en un perpétuel chaos. C’est l’incessant combat de la passion et du devoir, où, presque toujours, la passion l’emporte. Avant tout, il faut apprendre à contrôler nos pensées, à les discipliner, à leur imprimer une direction précise, un but noble et digne.

Le contrôle des pensées entraîne le contrôle des actes, car si les unes sont bonnes, les autres le seront également, et toute notre conduite se trouvera réglée par un enchaînement harmonique. Tandis que si nos actes sont bons et nos pensées mauvaises, il ne peut y avoir là qu’une fausse apparence du bien, et nous continuerons à porter en nous un foyer malfaisant, dont les influences se répandront tôt ou tard, fatalement, sur notre vie.

Parfois nous remarquons une contradiction frappante entre les pensées, les écrits et les actions de certains hommes, et nous sommes portés, par cette contradiction même, à douter de leur bonne foi, de leur sincérité. Ce n’est là souvent qu’une fausse interprétation de notre part. Les actes de ces hommes résultent de l’impulsion sourde des pensées et des forces qu’ils ont accumulées en eux dans le passé. Leurs aspirations présentes, plus élevées, leurs pensées, plus généreuses, seront réalisées en actes dans l’avenir. Ainsi tout s’accorde et s’explique, quand on considère les choses au point de vue élargi de l’évolution ; tandis que tout reste obscur, incompréhensible, contradictoire, avec la théorie d’une vie unique pour chacun de nous.

Culture du médium

Chapitre 11 de La Sécurité Médiumnique de l’Esprit Miramez, psychographié par Joao Nunes Maia.


La médiumnité demande des études, elle n’échappe pas à la règle qui s’applique aux autres choses, comme à la science, à la philosophie et même à la connaissance de la religion. La culture est indispensable, dans toutes les ramifications du savoir.

Comment se perfectionner sans connaissance ? C’est un contre sens de penser que notre conscience profonde se suffit à elle seule. Même si tout a été écrit en elle par la main de Dieu ; même si là se trouvent les lois, avec toutes leurs ramifications, vibrant dans leurs intimes particularités, il ne pourra manquer, en aucun de nous, le propre effort de la recherche de la connaissance et de la profondeur des lois universelles du créateur.

Si ce qui vient de l’intérieur se fait présent pour la réalité externe, ce qui existe dehors réveille ce qui existe à l’intérieur. La médiumnité dépend beaucoup de la culture, c’est évident, sans pour cela, être son esclave. La culture active l’Esprit, le rendant capable de comprendre toutes les choses sans pour autant être dégradé par l’arrogance ou par l’égoïsme.
Le médium doit se donner à la lecture, de la même manière dont il a besoin d’aliments, tous les jours. Lorsque nous entendons, de la part de l’un d’eux, dire qu’il lui manque du temps pour lire, c’est un mauvais signe, c’est le signal que ses compagnies spirituelles sont de la même opinion.

Ainsi que dans le monde entier, il existe au Brésil des milliers de centres spirites, qui ont une carence d’instruction. Par manque de capacité de leurs instruments, sont faites des réunions sans savoir comment les faire, et les bienfaiteurs luttent contre de nombreuses difficultés pour transmettre leurs messages.

On ne peut pas prétexter le manque de livres, ou le manque de ceux qui se disposent à donner les leçons. La littérature médiumnique est énorme, elle nous montre les valeurs de cette philosophie qui revit l’Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ. Tout est en train d’être fait par les lumières de l’éternité, il manque juste la part des hommes, pour s’adapter au travail des anges, pour apprendre à vivre, à penser et à parler du bien, à parler et à écrire sur l’amour, et à appliquer ces vérités immortelles, que le cœur peut sentir, par la bénédiction de Dieu.

Les réunions à caractère léger, communément, sont toujours pleines, et quand on se réunit pour des études sérieuses, pour un apprentissage plus concret, les participants sont peu nombreux, alors que ce devrait être le contraire.

Souvent, une personne demande plusieurs fois des conseils, en un mois de réunions, elle oublie que chaque page d’un bon livre constitue, au minimum, une des meilleures orientations. Ceci montre que cette personne ne lit pas, qu’elle oublie le conditionnement de la bonne lecture. Les moments qui devraient être dédiés à la lecture sont remplacés par des choses presque inutiles à son évolution, en s’excusant sans cesse que le temps est court.

Notre éducation coûte cher. La nature utilise des moyens drastiques pour nous enseigner, parce qu’elle n’en trouve pas d’autres, plus favorables et plus délicats. La miséricorde, pour beaucoup, se fatigue et laisse la place à la justice, que nous rappellent les temps de Moïse : œil pour œil, dent pour dent. La médiumnité est un don qui profite du progrès, et le médium doit faire sa part, avec prudence et perfection. Tout ce qui est bien fait, porte la marque de l’harmonie, qui plait à celui qui sait voir et qui sensibilise celui qui sait sentir.

La culture spiritualiste ne veut pas dire culture d’université. Lorsque les deux s’unissent dans la même dimension, cela devient agréable. Cependant, si la vie vous a privé des connaissances du monde, cherchez à comprendre les lois spirituelles, disséminées, depuis l’action du virus, jusqu’aux mouvements des astres, et, à partir d’eux, dans le tourbillon cosmique de la création de Dieu.

Nous vivons dans une grande école universelle. Il suffit de montrer de la bonne volonté pour apprendre les leçons. Nous sentons dans de meilleures dispositions à travailler près des personnes mûres, plutôt qu’avec des hommes de lettres qui ont oublié l’amour et ne se rappellent même plus du bénéfice de la charité.

Notre objectif n’est pas de faire de la littérature spirite une fiction, mais seulement d’être le copiste de la réalité universelle, parce que tout ce que nous écrivons et disons existe déjà, depuis la formation des mondes. Ce sont des lois immuables, dans l’éternité du temps et dans l’infini de l’espace, et il est bon que vous sachiez tous que nous révélons seulement ce qui n’était pas encore connu.

Quand on dit que seulement la vérité libère, qu’elle est la responsabilité découlant du fait de dire ce qui n’est pas vrai ? Notre intérêt est de conduire l’âme aux premiers degrés de l’échelle, mais c’est elle même qui doit faire le premier pas et continuer à monter, par un travail individuel, qui dépend seulement de Dieu et de celui qui se propose à monter. Allan Kardec dialoguant avec les Esprits, a écrit cette phrase : « Aimer et instruire ». Une telle phrase ne doit être oubliée par aucun homme, principalement par les spirites et les médiums.

La médiumnité peut disparaître, quand le médium ne sent pas la volonté d’être dans la vibration valeureuse de la réforme des hommes et du bien de la collectivité. Ceux qui commencent dans la doctrine spirite, en cherchant à fuir les corrections morales et celles de la culture spirituelle, sans s’en rendre compte, resteront en marge du chemin que d’autres parcourent avec facilité. Cela ne coûte rien.

Au contraire : il est de bon profit, aux heures de repos, de se dédier à une bonne lecture. Elle amène l’âme dans un climat de tranquillité, qui correspond aux nécessités de paix du cœur.

La vérité a un caractère tranquillisant, à partir du moment où nous ne réveillons pas prématurément ce qui dort encore. La médiumnité se perfectionne pour le bien de l’humanité. Celui qui l’utilise a des fins contraires, répondra pour les désastres commis. Les explosifs sont faits pour faciliter la construction des routes, ponts et maisons et d’autres choses utiles. Celui qui les utilisera pour répandre la mort, répondra de ce qu’il a fait. Ceci est la loi de la justice qui fonctionne dans la maison de Dieu.

Nous essayons d’atteindre l’intimité des médiums qui travaillent, pour qu’ils utilisent leurs valeurs correctement. Les instructions sont nombreuses, à la portée de tous, et nous vous demandons de ne pas perdre de temps en demandes, en critiques stériles et de ne pas baisser les bras devant les problèmes rencontrés sur le chemin.
Rappelez-vous ce que le Maître nous a dit : «Celui qui persévèrera jusqu’à la fin, sera sauvé». Insistez dans la limpidité de l’éducation et, dans cet effort continu, à travers les voies de la sagesse, et vous entrerez dans la culture dont a besoin un bon médium.