Article paru dans la Revue Spirite d’octobre 1866.
Les événements se précipitent avec
rapidité, aussi ne vous disons-nous plus, comme autrefois : « Les
temps sont proches » ; nous vous disons maintenant : « Les
temps sont arrivés. »
Par ces mots n’entendez pas un nouveau
déluge, ni un cataclysme, ni un bouleversement général. Des convulsions
partielles du globe ont eu lieu à toutes les époques et se produisent encore,
parce qu’elles tiennent à sa constitution, mais ce ne sont pas là les signes
des temps.
Et cependant tout ce qui est prédit dans
l’Évangile doit s’accomplir et s’accomplit en ce moment, ainsi que vous le
reconnaîtrez plus tard ; mais ne prenez les signes annoncés que comme des
figures dont il faut saisir l’esprit et non la lettre. Toutes les Écritures
renferment de grandes vérités sous le voile de l’allégorie, et c’est parce que
les commentateurs se sont attachés à la lettre qu’ils se sont fourvoyés. Il
leur a manqué la clef pour en comprendre le sens véritable. Cette clef est dans
les découvertes de la science et dans les lois du monde invisible que vient
vous révéler le Spiritisme. Désormais, à l’aide de ces nouvelles connaissances,
ce qui était obscur devient clair et intelligible.
Tout suit l’ordre naturel des choses, et
les lois immuables de Dieu ne seront point interverties. Vous ne verrez donc ni
miracles, ni prodiges, ni rien de surnaturel dans le sens vulgaire attaché à
ces mots.
Ne regardez pas au ciel pour y chercher des
signes précurseurs, car vous n’en verrez point, et ceux qui vous en annonceront
vous abuseront ; mais regardez autour de vous, parmi les hommes, c’est là
que vous les trouverez.
Ne sentez-vous pas comme un vent qui
souffle sur la terre et agite tous les Esprits ? Le monde est dans
l’attente et comme saisi d’un vague pressentiment à l’approche de l’orage.
Ne croyez cependant pas à la fin du monde
matériel ; la terre a progressé depuis sa transformation ; elle doit
progresser encore, et non point être détruite. Mais l’humanité est arrivée à
l’une de ses périodes de transformation, et la terre va s’élever dans la
hiérarchie des mondes.
Ce n’est donc pas la fin du monde matériel
qui se prépare, mais la fin du monde moral ; c’est le vieux monde, le
monde des préjugés, de l’égoïsme, de l’orgueil et du fanatisme qui
s’écroule ; chaque jour en emporte quelque débris. Tout finira pour lui
avec la génération qui s’en va, et la génération nouvelle élèvera le nouvel
édifice que les générations suivantes consolideront et complèteront.
De monde d’expiation, la terre est appelée
à devenir un jour un monde heureux, et son habitation sera une récompense au
lieu d’être une punition. Le règne du bien doit y succéder au règne du mal.
Pour que les hommes soient heureux sur la
terre, il faut qu’elle ne soit peuplée que de bons Esprits incarnés et
désincarnés qui ne voudront que le bien. Ce temps étant arrivé, une grande
émigration s’accomplit en ce moment parmi ceux qui l’habitent ; ceux qui
font le mal pour le mal, et que le sentiment du bien ne touche pas, n’étant
plus dignes de la terre transformée, en seront exclus, parce qu’ils y
porteraient de nouveau le trouble et la confusion et seraient un obstacle au
progrès. Ils iront expier leur endurcissement dans des mondes inférieurs, où
ils porteront leurs connaissances acquises, et qu’ils auront pour mission de
faire avancer. Ils seront remplacés sur la terre par des Esprits meilleurs qui
feront régner entre eux la justice, la paix, la fraternité.
La terre, nous l’avons dit, ne doit point
être transformée par un cataclysme qui anéantirait subitement une génération.
La génération actuelle disparaîtra graduellement, et la nouvelle lui succédera
de même sans que rien soit changé à l’ordre naturel des choses. Tout se passera
donc extérieurement comme d’habitude, avec cette seule différence, mais cette
différence est capitale, qu’une partie des Esprits qui s’y incarnaient ne s’y
incarneront plus. Dans un enfant qui naîtra, au lieu d’un Esprit arriéré et
porté au mal qui s’y serait incarné, ce sera un Esprit plus avancé et porté au
bien. Il s’agit donc bien moins d’une nouvelle génération corporelle que d’une
nouvelle génération d’Esprits. Ainsi, ceux qui s’attendaient à voir la
transformation s’opérer par des effets surnaturels et merveilleux seront déçus.
L’époque actuelle est celle de la
transition ; les éléments des deux générations se confondent. Placés au
point intermédiaire, vous assistez au départ de l’une et à l’arrivée de
l’autre, et chacun se signale déjà dans le monde par les caractères qui lui
sont propres.
Les deux générations qui succèdent l’une à
l’autre ont des idées et des vues tout opposées. A la nature des dispositions
morales, mais surtout des dispositions intuitives et innées, il est facile de
distinguer à laquelle des deux appartient chaque individu.
La nouvelle génération, devant fonder l’ère
du progrès moral, se distingue par une intelligence et une raison généralement
précoces, jointes au sentiment inné du bien et des croyances spiritualistes, ce
qui est le signe indubitable d’un certain degré d’avancement antérieur. Elle ne
sera point composée exclusivement d’Esprits éminemment supérieurs, mais de ceux
qui, ayant déjà progressé, sont prédisposés à s’assimiler toutes les idées
progressives et aptes à seconder le mouvement régénérateur.
Ce qui distingue, au contraire, les Esprits
arriérés, c’est d’abord la révolte contre Dieu par la négation de la Providence
et de toute puissance supérieure à l’humanité ; puis la propension
instinctive aux passions dégradantes, aux sentiments anti-fraternels de
l’égoïsme, de l’orgueil, de la haine, de la jalousie, de la cupidité, enfin la
prédominance de l’attachement pour tout ce qui est matériel.
Ce sont ces vices dont la terre doit être
purgée par l’éloignement de ceux qui refusent de s’amender, parce qu’ils sont
incompatibles avec le règne de la fraternité et que les hommes de bien
souffriront toujours de leur contact. La terre en sera délivrée, et les hommes
marcheront sans entraves vers l’avenir meilleur qui leur est réservé ici-bas,
pour prix de leurs efforts et de leur persévérance, en attendant qu’une
épuration encore plus complète leur ouvre l’entrée des mondes supérieurs.
Par cette émigration des Esprits, il ne
faut pas entendre que tous les Esprits retardataires seront expulsés de la
terre et relégués dans les mondes inférieurs. Beaucoup, au contraire, y
reviendront, car beaucoup ont cédé à l’entraînement des circonstances et de
l’exemple ; l’écorce était chez eux plus mauvaise que le fond. Une fois soustraits
à l’influence de la matière et des préjugés du monde corporel, la plupart
verront les choses d’une manière toute différente que de leur vivant, ainsi que
vous en avez de nombreux exemples. En cela, ils sont aidés par les Esprits
bienveillants qui s’intéressent à eux et qui s’empressent de les éclairer et de
leur montrer la fausse route qu’ils ont suivie. Par vos prières et vos
exhortations, vous pouvez vous-mêmes contribuer à leur amélioration, parce
qu’il y a solidarité perpétuelle entre les morts et les vivants.
Ceux-là pourront donc revenir, et ils en
seront heureux, car ce sera une récompense. Qu’importe ce qu’ils auront été et
ce qu’ils auront fait, sils sont animés de meilleurs sentiments ! Loin
d’être hostiles à la société et au progrès, ce seront des auxiliaires utiles,
car ils appartiendront à la nouvelle génération.
Il n’y aura donc d’exclusion définitive que
pour les Esprits foncièrement rebelles, ceux que l’orgueil et l’égoïsme, plus
que l’ignorance, rendent sourds à la voix du bien et de la raison. Mais ceux-là
mêmes ne sont pas voués à une infériorité perpétuelle, et un jour viendra où
ils répudieront leur passé et ouvriront les yeux à la lumière.
Priez donc pour ces endurcis afin qu’ils
s’amendent pendant qu’il en est temps encore, car le jour de l’expiation
approche.
Malheureusement la plupart, méconnaissant
la voix de Dieu, persisteront dans leur aveuglement, et leur résistance
marquera la fin de leur règne par des luttes terribles. Dans leur égarement,
ils courront eux-mêmes à leur perte ; ils pousseront à la destruction qui
engendrera une multitude de fléaux et de calamités, de sorte que, sans le
vouloir, ils hâteront l’avènement de l’ère de la rénovation.
Et comme si la destruction ne marchait pas
assez vite, on verra les suicides se multiplier dans une proportion inouïe,
jusque parmi les enfants. La folie n’aura jamais frappé un plus grand nombre
d’hommes qui seront, avant la mort, rayés du nombre des vivants. Ce sont là les
véritables signes des temps. Et tout cela s’accomplira par l’enchaînement des
circonstances, ainsi que nous l’avons dit, sans qu’il soit en rien dérogé aux
lois de la nature.
Cependant, à travers le nuage sombre qui
vous enveloppe, et au sein duquel gronde la tempête, voyez déjà poindre les
premiers rayons de l’ère nouvelle ! La fraternité pose ses fondements sur
tous les points du globe et les peuples se tendent la main ; la barbarie
se familiarise au contact de la civilisation ; les préjugés de races et de
sectes, qui ont fait verser des flots de sang, s’éteignent ; le fanatisme
et l’intolérance perdent du terrain, tandis que la liberté de conscience
s’introduit dans les mœurs et devient un droit. Partout les idées
fermentent ; on voit le mal et l’on essaye des remèdes, mais beaucoup
marchent sans boussole et s’égarent dans les utopies. Le monde est dans un
immense travail d’enfantement qui aura duré un siècle ; dans ce travail,
encore confus, on voit cependant dominer une tendance vers un but : celui
de l’unité et de l’uniformité qui prédisposent à la fraternisation.
Ce sont encore là des signes du
temps ; mais tandis que les autres sont ceux de l’agonie du passé, ces
derniers sont les premiers vagissements de l’enfant qui naît, les précurseurs
de l’aurore que verra se lever le siècle prochain, car alors la nouvelle
génération sera dans toute sa force. Autant la physionomie du dix-neuvième
siècle diffère de celle du dix-huitième à certains points de vue, autant celle
du vingtième siècle sera différente du dix-neuvième à d’autres points de vue.
Un des caractères distinctifs de la
nouvelle génération sera la foi innée ; non la foi exclusive et aveugle
qui divise les hommes, mais la foi raisonnée qui éclaire et fortifie, qui les
unit et les confond dans un commun sentiment d’amour de Dieu et du prochain.
Avec la génération qui s’éteint disparaîtront les derniers vestiges de
l’incrédulité et du fanatisme, également contraires au progrès moral et social.
Le Spiritisme est la voie qui conduit à la
rénovation, parce qu’il ruine les deux plus grands obstacles qui s’y opposent :
l’incrédulité et le fanatisme. Il donne une foi solide et éclairée ; il
développe tous les sentiments et toutes les idées qui correspondent aux vues de
la nouvelle génération ; c’est pourquoi il est comme inné et à l’état
d’intuition dans le cœur de ses représentants. L’ère nouvelle le verra donc
grandir et prospérer par la force même des choses. Il deviendra la base de
toutes les croyances, le point d’appui de toutes les institutions.
Mais d’ici là, que de luttes il aura encore
à soutenir contre ses deux plus grands ennemis : l’incrédulité, et le
fanatisme qui, chose bizarre, se donnent la main pour l’abattre ! Ils
pressentent son avenir et leur ruine : c’est pourquoi ils le redoutent,
car ils le voient déjà planter, sur les ruines du vieux monde égoïste, le
drapeau qui doit rallier tous les peuples. Dans la divine maxime : Hors la
charité point de salut, ils lisent leur propre condamnation, car c’est le
symbole de la nouvelle alliance fraternelle proclamée par le Christ[1]. Elle se montre à
eux comme les mots fatals du festin de Balthazar. Et pourtant, cette maxime,
ils devraient la bénir, car elle les garantit de toutes représailles de la part
de ceux qu’ils persécutent. Mais non, une force aveugle les pousse à rejeter ce
qui seul pourrait les sauver !
Que pourront-ils contre l’ascendant de
l’opinion qui les répudie ? Le Spiritisme sortira triomphant de la lutte,
n’en doutez pas, car il est dans les lois de la nature, et par cela même
impérissable. Voyez par quelle multitude de moyens l’idée se répand et pénètre
partout ; croyez bien que ces moyens ne sont pas fortuits, mais
providentiels ; ce qui, au premier abord, semblerait devoir lui nuire, est
précisément ce qui aide à sa propagation.
Bientôt il verra surgir des champions
hautement avoués parmi les hommes les plus considérables et les plus
accrédités, qui l’appuieront de l’autorité de leur nom et de leur exemple, et
imposeront silence à ses détracteurs, car on n’osera pas les traiter de fous.
Ces hommes l’étudient dans le silence et se montreront quand le moment propice
sera venu. Jusque-là, il est utile qu’ils se tiennent à l’écart.
Bientôt aussi vous verrez les arts y puiser
comme à une mine féconde, et traduire ses pensées et les horizons qu’il
découvre par la peinture, la musique, la poésie et la littérature. Il vous a
été dit qu’il y aurait un jour l’art spirite, comme il y a eu l’art païen et
l’art chrétien, et c’est une grande vérité, car les plus grands génies s’en
inspireront. Bientôt vous en verrez les premières ébauches, et plus tard il prendra
le rang qu’il doit avoir.
Spirites, l’avenir est à vous et à tous les
hommes de cœur et de dévouement. Ne vous effrayez pas des obstacles, car il
n’en est aucun qui puisse entraver les desseins de la Providence. Travaillez
sans relâche, et remerciez Dieu de vous avoir placés à l’avant-garde de la
nouvelle phalange. C’est un poste d’honneur que vous avez vous-mêmes demandé,
et dont il faut vous rendre dignes par votre courage, votre persévérance et
votre dévouement. Heureux ceux qui succomberont dans cette lutte contre la
force ; mais la honte sera, dans le monde des Esprits, pour ceux qui
succomberaient par faiblesse ou pusillanimité. Les luttes, d’ailleurs, sont
nécessaires pour fortifier l’âme ; le contact du mal fait mieux apprécier
les avantages du bien. Sans les luttes qui stimulent les facultés, l’Esprit se
laisserait aller à une insouciance funeste à son avancement. Les luttes contre
les éléments développent les forces physiques et l’intelligence ; les
luttes contre le mal développent les forces morales.
Remarques. – 1° La manière dont s’opère la
transformation est fort simple, et, comme on le voit, elle est toute morale et
ne s’écarte en rien des lois de la nature. Pourquoi donc les incrédules
repoussent-ils ces idées, puisqu’elles n’ont rien de surnaturel ? C’est
que, selon eux, la loi de vitalité cesse à la mort du corps, tandis que pour
nous elle se poursuit sans interruption ; ils restreignent son action et
nous l’étendons ; c’est pourquoi nous disons que les phénomènes de la vie
spirituelle ne sortent pas des lois de la nature. Pour eux, le surnaturel
commence où finit l’appréciation par les sens.
2° Que les Esprits de la nouvelle
génération soient de nouveaux Esprits meilleurs, ou les anciens Esprits
améliorés, le résultat est le même ; dès l’instant qu’ils apportent de
meilleures dispositions, c’est toujours un renouvellement. Les Esprits incarnés
forment ainsi deux catégories, selon leurs dispositions naturelles : d’une
part, les Esprits retardataires qui partent, de l’autre les Esprits progressifs
qui arrivent. L’état des mœurs et de la société sera donc, chez un peuple, chez
une race ou dans le monde entier, en raison de celle des deux catégories qui
aura la prépondérance.
Pour simplifier la question, soit donné un
peuple, à un degré quelconque d’avancement, et composé de vingt millions
d’âmes, par exemple ; le renouvellement des Esprits se faisant au fur à
mesure des extinctions, isolées ou en masse, il y a nécessairement eu un moment
où la génération des Esprits retardataires l’emportait en nombre sur celle des
Esprits progressifs qui ne comptaient que de rares représentants sans
influence, et dont les efforts pour faire prédominer le bien et les idées
progressives étaient paralysés. Or, les uns partant et les autres arrivant,
après un temps donné, les deux forces s’équilibrent et leur influence se
contrebalance. Plus tard, les nouveaux venus sont en majorité et leur influence
devient prépondérante, quoique encore entravée par celle des premiers ;
ceux-ci, continuant à diminuer tandis que les autres se multiplient, finiront
par disparaître ; il arrivera donc un moment où l’influence de la nouvelle
génération sera exclusive.
Nous assistons à cette transformation, au
conflit qui résulte de la lutte des idées contraires qui cherchent à s’implanter ;
les unes marchent avec le drapeau du passé, les autres avec celui de l’avenir.
Si l’on examine l’état actuel du monde, on reconnaîtra que, prise dans son
ensemble, l’humanité terrestre est loin encore du point intermédiaire où les
forces se balancent ; que les peuples, considérés isolément, sont à une
grande distance les uns des autres sur cette échelle ; que quelques-uns
touchent à ce point, mais qu’aucun ne l’a encore dépassé. Du reste, la distance
qui le sépare des points extrêmes est loin d’être égale en durée, et une fois
la limite franchie, la nouvelle route sera parcourue avec d’autant plus de
rapidité, qu’une foule de circonstances viendront l’aplanir.
Ainsi s’accomplit la transformation de
l’humanité. Sans l’émigration, c’est-à-dire sans le départ des Esprits
retardataires qui ne doivent pas revenir, ou qui ne doivent revenir qu’après
s’être améliorés, l’humanité terrestre ne resterait pas pour cela indéfiniment
stationnaire, parce que les Esprits les plus arriérés avancent à leur
tour ; mais il eût fallu des siècles, et peut-être des milliers d’années
pour atteindre le résultat qu’un demi-siècle suffira pour réaliser.
Une comparaison vulgaire fera mieux
comprendre encore ce qui se passe en cette circonstance. Supposons un régiment
composé en grande majorité d’hommes turbulents et indisciplinés : ceux-ci
y porteront sans cesse un désordre que la sévérité de la loi pénale aura
souvent de la peine à réprimer. Ces hommes sont les plus forts, parce qu’ils
sont les plus nombreux ; ils se soutiennent, s’encouragent et se stimulent
par l’exemple. Les quelques bons sont sans influence ; leurs conseils sont
méprisés ; ils sont bafoués, maltraités par les autres, et souffrent de ce
contact. N’est-ce pas là l’image de la société actuelle ?
Supposons qu’on retire ces hommes du
régiment un par un, dix par dix, cent par cent, et qu’on les remplace à mesure
par un nombre égal de bons soldats, même par ceux qui auront été expulsés, mais
qui se seront sérieusement amendés : au bout de quelque temps on aura toujours
le même régiment, mais transformé ; le bon ordre y aura succédé au
désordre. Ainsi en sera-t-il de l’humanité régénérée.
Les grands départs collectifs n’ont pas
seulement pour but d’activer les sorties, mais de transformer plus rapidement
l’esprit de la masse en la débarrassant des mauvaises influences, et de donner
plus d’ascendant aux idées nouvelles.
C’est parce que beaucoup, malgré leurs
imperfections, sont mûrs pour cette transformation, que beaucoup partent afin
d’aller se retremper à une source plus pure. Tant qu’ils seraient restés dans
le même milieu et sous les mêmes influences, ils auraient persisté dans leurs
opinions et dans leur manière de voir les choses. Un séjour dans le monde des
Esprits suffit pour leur dessiller les yeux, parce qu’ils y voient ce qu’ils ne
pouvaient pas voir sur la terre. L’incrédule, le fanatique, l’absolutiste,
pourront donc revenir avec des idées innées de foi, de tolérance et de liberté.
A leur retour, ils trouveront les choses changées, et subiront l’ascendant du
nouveau milieu où ils seront nés. Au lieu de faire de l’opposition aux idées
nouvelles, ils en seront les auxiliaires.
La régénération de l’humanité n’a donc pas
absolument besoin du renouvellement intégral des Esprits : il suffit d’une
modification dans leurs dispositions morales ; cette modification s’opère
chez tous ceux qui y sont prédisposés, lorsqu’ils sont soustraits à l’influence
pernicieuse du monde. Ceux qui reviennent alors ne sont pas toujours d’autres
Esprits, mais souvent les mêmes Esprits pensant et sentant autrement.
Lorsque cette amélioration est isolée et
individuelle, elle passe inaperçue, et elle est sans influence ostensible sur
le monde. Tout autre est l’effet, lorsqu’elle s’opère simultanément sur de
grandes masses ; car alors, selon les proportions, en une génération les
idées d’un peuple ou d’une race peuvent être profondément modifiées.
C’est ce qu’on remarque presque toujours
après les grandes secousses qui déciment les populations. Les fléaux
destructeurs ne détruisent que le corps, mais n’atteignent pas l’Esprit ;
ils activent le mouvement de va-et-vient entre le monde corporel et le monde
spirituel, et par suite le mouvement progressif des Esprits incarnés et
désincarnés.
C’est un de ces mouvements généraux qui
s’opère en ce moment, et qui doit amener le remaniement de l’humanité. La
multiplicité des causes de destruction est un signe caractéristique des temps,
car elles doivent hâter l’éclosion des nouveaux germes. Ce sont les feuilles
d’automne qui tombent, et auxquelles succèderont de nouvelles feuilles pleines
de vie ; car l’humanité a ses saisons, comme les individus ont leurs âges.
Les feuilles mortes de l’humanité tombent emportées par les rafales et les
coups de vent, mais pour renaître plus vivaces sous le même souffle de vie, qui
ne s’éteint pas, mais se purifie.
Pour le matérialiste, les fléaux
destructeurs sont des calamités sans compensations, sans résultats utiles,
puisque, selon lui, ils anéantissent les êtres sans retour. Mais pour celui qui
sait que la mort ne détruit que l’enveloppe, ils n’ont pas les mêmes
conséquences, et ne lui causent pas le moindre effroi, car il en comprend le
but, et il sait aussi que les hommes ne perdent pas plus à mourir ensemble qu’à
mourir isolément, puisque, de manière ou d’autre, il faut toujours en arriver
là.
Les incrédules riront de ces choses et les traiteront de chimères ; mais, quoi qu’ils disent, ils n’échapperont pas à la loi commune ; ils tomberont à leur tour comme les autres, et alors qu’adviendra-t-il d’eux ? Ils disent : rien ; mais ils vivront en dépit d’eux-mêmes, et seront forcés un jour d’ouvrir les yeux.
Paris, avril 1866. Méd. M. M. et T., en somnambulisme.
[1] Voir Evangile selon le Spiritisme,
chap. xv.